
Cette semaine, pour changer, j’ai choisi de ne pas mettre en avant une photo mais un voyage. C’est une vidéo vue sur le fil d'Undertaker (Nicolas le Bayon)
qui m'en a donné l'envie. Celle que je vous propose ici comporte en plus des photos. Elle est visible sur la page Facebook de Great North Wildlife Photography
Lequel a voulu associer au récit West (Jérôme Beaufort) qui a bien voulu, en avant-première, nous proposer une photo pour la vignette.
Ce récit se passe dans le Parc national de Dovrefjell-Sunndalsfjella en Norvège
1/
Jeanma : Tout d’abord, merci Nicolas d’avoir accepté cette mise en avant et d’y avoir associé Jérôme. Tu m’as dit que vous étiez en train de préparer
un document plus étoffé de votre voyage ce qui explique pour le moment l’absence de fil dédié sur DxD.
En préambule j’aimerai que tu nous racontes l’origine de cette envie de grand nord. J'imagine que la photo n'arrive peut-être pas forcément en premier ?
(Rêve de gosse, récits de voyageurs, rencontres, influences d'autres photographes...)
Nicolas: C'est ici même que tout a commencé. J'ai été sensibilisé à la nature du grand nord par les photos de Gilles (Conca) et Thibault (Foug). Toutes
ces somptueuses photos d'ours bruns ont éveillé ma curiosité et m'ont donné envie d'aller voir ce grand prédateur par moi-même. J'ai eu la chance d'aller en Finlande
à deux reprises et on ne peut pas rester indifférent face à cette nature tellement sauvage où de grands prédateurs et de grands gibiers sont encore présents : ours bruns,
gloutons, loups, rennes, élans...
Jérôme : Pour ma part, ce sont surtout les reportages vus et revus à la télé, au cinéma, qui m'ont toujours fait rêver. J'ai donc voulu voir ces mammifères
par moi-même. Et un autre point plus personnel m'a poussé vers le nord. C'est mon corps. Je ne supporte pas la chaleur. A partir de 30°C tout devient insupportable
pour moi alors que le froid ne me dérange pas, j'aime ça.
2/
Jeanma : Après vos premières expériences en Finlande, qu'est-ce qui vous a amené à organiser ce voyage en Norvège ?
Jérôme: Le Nord est vaste. Nous n'avons vu qu'une minuscule partie de ce Nord en Finlande. L'envie de voir et photographier d'autres espèces était le point
de départ. Notre passion commune pour le renard polaire nous a naturellement mené sur ses traces. Plusieurs pistes ce sont offertes à nous : Laponie, Svalbard... C'est
finalement vers la Norvège que nous nous sommes tournés. L'un des contacts de Nicolas nous a proposé plusieurs options sur cette terre où la nature a gardé ses droits.
Nicolas: En effet, nous avions commencé à étudier plus particulièrement deux pistes : Norvège et Islande. C'est vraiment la richesse et la variété de la faune
norvégienne qui nous a fait choisir cette destination.
Nous avons également eu la chance d'avoir beaucoup d'informations via mon contact norvégien. Cela a grandement facilité l'organisation du voyage !
3/
Jeanma : Après plusieurs voyages on a tendance à aller vers l'essentiel. Quelle est la différence entre votre premier voyage et le dernier (moins de, plus de,
surtout pas de...) ?
Nicolas: Ces voyages sont difficilement comparables. Nos séjours en Finlande étaient sédentaires alors que notre voyage en Norvège était itinérant. Cet aspect
itinérant nécessite une planification plus précise incluant des marges de sécurité afin de ne pas devoir écourter les dernières étapes pour ne pas louper l'avion de retour. De
plus, nous avions un programme assez varié, ce qui nous a fait prendre beaucoup de matériel, nettement plus que si nous n'étions partis photographier qu'une seule espèce.
Ce voyage était en quelque sorte une séance de repérage. Dans le prochain que nous avons prévu, en Norvège, nous allons cibler seulement deux espèces. Cela nous permettra
de rationaliser notre matériel photo.
Jérôme : Oui, entre pygargue, bœuf musqué, renard polaire, macareux moine et ces paysages d'une beauté pure, le matériel a été un grand point de réflexion
dans l'organisation de ce voyage, au point que je doive prendre une seconde valise 2 jours avant le départ, la première étant trop lourde.
4/
Jeanma: L’image que je retiens pour le moment de votre voyage est en fait une vidéo plutôt jubilatoire d’un bœuf musqué en pleine séance d’entrainement « kungfu style »
sur un rocher. Vincent Munier disait dans une interview que se sont des animaux plutôt farouches et qu’il avait dû marcher longtemps avant d’en trouver. Racontez-nous cette rencontre ?
Nicolas: Je trouve les documentaires de Munier bien trop romancés à mon goût par rapport à la réalité du terrain. Donc bon, j'ai tendance à relativiser ce qui y est dit.
Cela ne m'empĂŞche pas d'admirer ses photos et de regarder avec plaisir ces documentaires en question.
Durant notre semaine norvégienne, nous avons consacré deux jours (non consécutifs) aux bœufs musqués.
Au matin du premier jour, nous avons repéré de très loin aux jumelles un groupe se déplaçant sur les crêtes. Nous avons pris la voiture pour aller nous garer à un endroit plus pratique
pour ensuite accéder à la zone en question.
En nous préparant, un norvégien vient nous voir pour nous demander si nous en avions repéré. On lui explique donc la zone où on a prévu d'aller et il y va. Le temps que nous finissions
de préparer les sacs avec de quoi bivouaquer en fonction des événements, cet homme avait déjà pris pas mal d'avance, surtout avec 20kg de moins sur le dos que nous... ahaha
Une fois arrivé en haut et après quelques recherches, nous retrouvons le groupe de bœufs musqués et cet homme. Au début, nous étions bien contents et pensions qu'une bonne journée
allait commencer pour nous, mais... cet homme avait eu « l'intelligence » de s'interposer physiquement entre le mâle dominant et le reste du groupe composé de deux adultes et d'un
très jeune. De plus, il était à une distance bien imprudente du groupe...
Le mâle s'est alors énervé mais par chance ne l'a pas chargé. Il s'est éloigné sur une crête et a appelé les autres qui l'on suivi. Ils ont vite disparu...
Bien entendu le fautif s'est excusé et s'est barré...
Voilà comment gâcher la journée...
Nous les reverrons plus tard dans la journée de très loin, puis ils disparaîtront pour de bon.
Lors de nos recherches, nous avons aperçu deux jeunes mâles isolés (n'appartenant pas à un groupe) de loin. Très vite, nous nous sommes rendus compte que leur comportement était
peu propice à une approche (courses, affrontements...). Nous avons donc pris la décision de les laisser s'éloigner sans les suivre.
Le jour suivant, c'était repos et découverte d'une réserve naturelle en contrebas des massifs montagneux où nous avons pu observer pas mal d'oiseaux (sterne arctique, hiboux des marais, etc)
et surtout plein de traces d'élans.
Le troisième jour de présence dans le Dovrefjell a donc de nouveau été consacré aux bœufs musqués.
Cette fois-ci, nous avons décidé de profiter d'une sortie avec un guide en petit groupe (nous étions six en tout) afin de pouvoir recueillir le maximum d'informations.
La journée a donc commencé par une petite heure de cours de la part du guide qui nous a retracé l'histoire du bœuf musqué, donné quelques astuces, consignes de sécurité, etc.
Puis nous sommes partis à la recherche des bœufs.
Même mode opératoire que le premier jour à la différence que nous avons pris un chemin plus direct pour aller sur les bœufs musqués afin de ne pas les perdre des yeux.
Une fois arrivés en haut, nous découvrons un second groupe que celui observé depuis le contrebas. Nous décidons de nous séparer. Jérôme reste avec le guide et le groupe de touristes
et je reste avec le deuxième groupe de bœufs.
Il était déjà 11h et il faisait très chaud. Des vagues de chaleur parcourraient tout la surface du flanc de la montagne et rendaient nos photos toutes floues... Nous avons donc pris
notre mal en patience et avons profité du temps magnifique en observant sereinement les bœufs pendant que les autres touristes mitraillaient.
Le premier groupe contenant un très jeune veau n'a pas toléré la présence d'humains (surtout avec des touristes en fluo ahaha) et est très rapidement parti.
Je suis donc resté avec le deuxième groupe de bœufs quelques temps puis le guide et les autres sont revenus où j'étais et sont restés une petite heure avant de repartir du spot pour
continuer leur journée.
Une fois qu'ils sont partis, le groupe de bœufs a commencé un peu à se déplacer et c'est à ce moment qu'on a assisté à la scène que j'ai filmée.
JĂ©rĂ´me : Les bĹ“ufs ont profitĂ© de cette après-midi pour faire une sieste dans un cours d'eau pour se rafraichir et nous avons profitĂ© de cette confiance pour faire Ă
notre tour une pause à leurs côtés. La sieste finie, nous les avons suivi plus bas dans une zone de végétation plus verdoyante, en nous approchant petit à petit, pour finalement
atteindre une proximité de 50m.
Posté en contre bas du mâle dominant et Nico quelques mètres plus haut, le mâle c'est peu à peu rapproché de nous, tout en continuant à brouter dans les buissons.
il s’est soudain levé pour se rendre compte de ma trop grande proximité, un regard long et intense s’est engagé entre nous deux, c'est dans ces moments que l'on ressent un profond
respect pour cette animal si imposant et si puissant.
Je me suis questionné pendant quelques secondes; je déclenche, je ne déclenche pas, je déclenche ...
J'ai finalement déclenché pour immortaliser ce regard si profond, une scène mémorable qui n’aura duré environ que 30 secondes. Puis il est retourné brouter et j'en ai profité pour
reculer tranquillement afin de reprendre une distance de sécurité respectueuse.
Une scène mémorable, qui restera gravé dans ma mémoire. Rappelons tout de même qu'il faut faire attention aux signaux envoyés par l'animal : un photographe Italien s'est fait
charger l'an passé pour s'être trop approché d'un groupe.
Conclusion:
Jeanma: J'espère que bientôt vous nous présenterez photographiquement plus en détail votre voyage. Je suis impatient. En attendant, un petit mot de fin ?
Nicolas : Tout d'abord nous tenons à te remercier pour avoir accepté d'adapter un peu le format habituel et nous espérons que ce court récit vous aura intéressés.
Nous sommes déjà en train de planifier nos prochaines escapades tellement ce genre de voyage en appelle d'autres, plein d'autres !
Si vous avez des questions, n'hésitez surtout pas.
Bonnes photos Ă tous !
