Cette semaine une interview un peu spéciale avec MP7. Comme pour ma dernière interview avec Pascal26K, on va essayer de découvrir un domaine photographique.
Matthieu Berroneau est un membre du forum spécialisé dans la prises de vue des reptiles et batraciens de notre région et d’ailleurs. Tu es déjà bien connu du forum, tu as déjà été interviewé l’année dernière par borntoswim29 au sujet de ton voyage en Iran. On t’a aussi vu à l’honneur en 2014 mis en avant par FREDW. Tu as aussi un sacré palmarès sur le forum avec pas moins de 6 images en galerie qui ont passé la rampe de plus de ¾ des votes positifs du staff du forum, bravo

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, tu es reparti en Uganda avec de superbes images. Une des choses qui me vient à l’esprit en voyant ces images c’est pourquoi revient tu en France ? Les espèces ont l’air bien plus colorées et intéressantes ailleurs non ?
- Bonjour à tous, bonjour à toi Lionel. Et merci pour ce bel état des lieux

Pourquoi je rentre en France ? Je vais te répondre qu'il faut bien travailler !
Si j'avais le choix et la possibilité, je partirais encore plus souvent... mais ces voyages étant réalisés - pour l'instant - en majorité sur mes jours de congés... je suis bien obligé de rentrer de temps en temps !
Ensuite, j'ai toujours des nouveaux clichés à réaliser ici en France, que ce soit dans le cadre de mon activité d'Auteur Photographe, ou plus directement dans le cadre du boulot. Car oui, je travaille en tant qu'herpétologue (spécialiste Amphibiens Reptiles) dans le sud-ouest de la France, et ce travail englobe un travail photographique assez important utilisé pour toutes mes actions de sensibilisation (affiches, ouvrages, sites Internet, etc.)...
Alors certes les espèces sont ici moins dingues que les espèces que l'on peut les observer au bout du monde, mais j'ai quand même du mal à me lasser, la nature nous réserve des surprises tous les jours !
Effectivement, en regardant ta production on voit des clichés originaux et tout aussi magnifique avec des espèces indigènes. La photo sélectionnée pour cette semaine en fait partie :
Une photo ultra dynamique, presque paradoxal à la vue du sujet. Une compo très équilibrée avec ce soleil qui balance avec la vipère et ces diagonales. Cette photo a été prise dans le cadre de ton travail sur ton projet des vipères de France ?. Comment te viennent les idées et l’inspirations pour les compositions ? J’imagine qu’il y a beaucoup de déchet et un gros editing avant de publier une photo ici ?
- Il est vrai que je photographie systématiquement toutes les vipères que je croise sur le terrain afin d'agrémenter le travail que tu cites, mais cette photo n'a pas été faite dans ce cadre. Celle-ci a été faite dans le cadre du tournage d'un film que nous produisons sur les Serpents de notre région. C'est un film qui vise à sensibiliser sur la fragilité de ces espèces, leur diversité, etc. J'aide les deux réalisateurs (qui tournent d'ailleurs avec notamment en a7sii) à trouver les sujets, tourner les images, etc.
Ce cadrage, ce n'est pas la première fois que je le réalise. De mémoire, je l'ai réalisé une première fois sur une couleuvre verte et jaune ou encore sur une couleuvre vipérine (celle-ci est un peu flou mais vous comprendrez que les conditions étaient très limites


Ça peut paraître étonnant, mais au final il n'y a que peu de travail de post-traitement sur cette photo. J'ai juste débouché les ombres en développant le raw et rajouter de la vibrance pour lui donner un peu de peps.
Pour ce genre de photo, le secret de fabrication réside surtout au moment du cliché :
1 - comme je travaille à l'UGA, je suis quasiment obligé de travailler face au soleil, sans quoi les ombres de l'appareil et/ou du photographe seront visibles sur la photo. ça tombe bien, j'aime bien le fait de l'inclure sur la photo.
2 - je mets un coup de flash à la puissance désirée pour éclairer l'animal et éviter un effet contre-jour trop important. Et voilà c'est tout !
Un point de vue très original qui rend vraiment bien mais qui n’nécessite d’aller très proche de son sujet. On ne risque rien à s’approcher autant d’une vipère ?
On a naturellement peur des reptiles voir même des batraciens est-ce justifié ? Quelles sont les risques en cas de morsure de vipère ou couleuvre ou d’autres serpents de nos contrées ? Il y a t’il aussi des batraciens chez nous qui peuvent nous empoisonner simplement en les touchants comme on peut le voir dans certains reportages ?
- Oui concernant les Vipères il y a un risque. Mais avec de l'expérience et l'habitude, ce risque devient très faible.
Si on reste respectueux de ces animaux, l'inverse sera vrai également. Je rappellerai aussi que les morsures des vipères européennes ne sont pratiquement jamais mortelles, sauf si elles ne sont pas traitées et si la personne présente déjà quelques fragilités.
Avec tous les autres reptiles et amphibiens, le risque est nul, tout simplement ! C'est beaucoup plus risqué de photographier des avions, des voitures de course ou des chiens !
Les vipères en France aujourd'hui, c'est 1 mort en cinq an. Les abeilles, guêpes, etc., c'est 50 morts par an. Les chiens, c'est 6000 hospitalisations par an, 33 morts sur les 20 dernières années ! La grande majorité des personnes mordues aujourd'hui, ce sont des gens... comme moi, qui travaillent sur le sujet, et qui sont amenés à manipuler régulièrement ces animaux...

Les Amphibiens dont tu parles sont les dendrobates (et espèces proches). Ces espèces possèdent un mucus très puissant, capables de tuer les gros animaux qui tentent de les manger. Mais on peut les tenir sur la main sans problème... Par contre évite absolument, dans la foulée, de mettre tes doigts dans les yeux ou la bouche, là ça devient dangereux ! Ces espèces sont tropicales, rien de tout ça en Europe, seules quelques espèces sont capables de quelques irritements...
Effectivement pour les guĂŞpes, elles ont failli avoir ma peau !
Avec les chiffres ont se rend bien compte que le risque est minime. En soit rien de bien dramatique alors si on a les bons reflex : )
Comme tu le précise il faut de l’expérience mais si on débute dans cette pratique comment s’y prendre et avoir les bons gestes pour éviter une morsure douloureuse ? Quel sont les choses à ne pas faire pour mettre madame vipère sur la défensive et pouvoir l’approcher dans les meilleures conditions ?
- Alors deux techniques.
La première, c'est de faire des photos à l'approche. Il faut donc chercher les animaux sur le site de présence, en s'en approcher le plus discrètement possible. On a alors la possibilité les espèces dans leur milieu naturel, avec des positions naturelles, des comportements naturels, etc. Dans ce cas, un 100 mm peut suffire, mais des focales un peu plus longues sont aussi bien utiles. Ce n'est pas toujours évident, mais c'est souvent là où les résultats sont les meilleurs.
La deuxième, c'est faire des photos des animaux avec manipulation. C'est souvent obligatoire pour certaines espèces, notamment les plus discrètes, comme par exemple la coronelle girondine, qui est une espèce qui ne s'expose jamais au soleil. Dans ce cas, le 100 mm suffit, et on peut aussi aller plus loin, en utilisant un grand-angle par exemple. Attention, deux choses à retenir : ces animaux sont protégés par la loi, et leur capture et leur manipulation sont interdites. Il vous faudra donc des autorisations préfectorales pour réaliser ce genre de manipulation... Ces autorisations ne sont délivrées que dans certains cas, comme par exemple le mien, dans le cadre de mes travaux sur les Amphibiens et Reptiles de ma région. Enfin, manipuler les reptiles ne s'inventent pas, il faut vraiment beaucoup d'expérience pour cela (notamment avec les venimeux !), et je ne préfère donc pas donner de conseils ici... Il vaut mieux suivre des formations, participer à des sorties, rien de tel que le terrain !
Rien de mieux que le terrain ! D'ailleurs j’ai beau aller souvent sur le terrain mais je vois assez rarement de reptile. Comment s'y prendre ? Où aller et quelles sont les bons créneaux horaires ou période de l'année pour maximiser les chances de rencontre?
- Oui le choix de la saison et de la météo est absolument primordial pour garantir l'observation de ces animaux. Pour résumer, les reptiles (et notamment les serpents) sont essentiellement actifs au printemps, disons depuis la sortie d'hivernation jusqu'au début de l'été. C'est le meilleur moment. Après cela va dépendre du lieu (sud ou nord de la France ?) et de l'altitude. Les observations peuvent commencer en février dans le sud-ouest ou le sud-est, beaucoup plus tard à 1500 m d'altitude par exemple.
Question météo, les meilleures conditions sont celles qui forcent les animaux à s'exposer longtemps en extérieur. Contrairement aux idées reçues, les très fortes chaleurs sont défavorables, les serpents cherchent alors la fraîcheur et restent cachés. Même chose pour un grand soleil. L'idéal, c'est une météo douce, pas de vent, et une couverture nuageuse importante. Là c'est le top, les animaux s'exposent longtemps et on l'observe alors facilement !
Il ne reste plus qu'à les voir... Marche doucement le long des milieux favorables (vieux murets, ronciers, lisières...), et tu en verras forcément !
Tu en avais déjà parlé un peu plus tôt, mais quel matos prendre pour cette pratique? Tu parlais d'un 100mm mais si on est pas trop à l'aise avec les reptiles ne vaut-il pas mieux un bon objectif pour de la proxi? Je vois que tu es équipé avec la gamme hybride de chez sony, pourquoi cela ? l'AF et la prise en main n'est-elle pas pénalisante pour cette pratique?
- Oui, le 100 macro, c'est la base du photographe de reptiles. Ensuite, une longue focale aide bien, notamment pour les animaux les plus farouches (les grands lézards par exemple). J'utilise un sigma 400, ça marche pas mal, mais évidemment la sortie du dernier 100-400 me fait de l'œil, je ne devrais pas tarder à craquer...

Ensuite, un grand-angle, pour varier les prises de vue, un flash, et on est bon.
J'ai toujours été chez Sony, j'ai commencé avec un a350. Utiliser du matos Sony pour cette pratique, c'est pour moi une évidence. A l'époque, l'écran orientable n'existait que chez Sony. C'est hyper important dans notre pratique.
Ensuite l'EVF est extrêmement avantageux. Lors de prises de vue périlleuses, voir dangereuses, on peut rester immobile, l’œil dans le viseur et vérifier les prises de vue, les réglages, etc... sans retirer l'œil du viseur. C'est génial.
Enfin, le passage à l'hybride : cette pratique photo demande beaucoup de mobilité. Souvent, il faut marcher beaucoup et longtemps pour voir LA bestiole. Donc quand j'ai vu arriver les boitiers plein format de la taille de l'a7... autant dire que je n'ai pas hésité longtemps !!
Je m'étais expliqué à l'époque dans cet article
Clair comme de l'eau de roche n'est-ce pas ?
Aujourd'hui, dans mon sac, c'est toujours l'a7ii + le 90 oss macro + le 24-70 f4 + un 43M, auquel s'ajoute souvent le sigma 15 fisheye, un voigt 15, voire une longue focale si besoin.
Tu parles du flash, cela ne dérange pas les animaux ? Pareil si notre ombre leur passe au-dessus, cela les fait fuir comme c'est le cas pour les papillons par exemple ?
- Oui, bien sûr, notre ombre peut les déranger et les faire fuir. Les Reptiles sont moins sensibles au flash, mais cela arrive également parfois... On a alors une seule chance !

Merci pour tous ces informations révélées, je te laisse le mot de la fin pour clôturer cette interview

- Tout d'abord, merci à toi de m'avoir invité, et merci aux administrateurs et inscrits du forum où l'ambiance est tip top.
Si vous voulez en savoir plus sur mon travail, vous pouvez visiter mon site ou suivre ma page facebook.
Et si vous voulez aller plus loin, je vous invite aussi à lire nos résumés de trips naturalistes sur atheris et herpetofocus. Avec quelques amis, nous partons en effet dès que possible à la recherche des reptiles les plus incroyables de la planète... Et il y en a un certain nombre !
A bientĂ´t, et longue vie aux serpents !