Je sais... Je suis une grosse feignasse...
Après Azougi, l'idée était de nous rendre à Ouadane, dont on ne nous a dit que du bien. Malheureusement il n'y a qu'un taxi brousse qui se rend là -bas, le lieux n'est pas très visité. Le chauffeur n'a pas l'air du tout d'avoir envie de nous emmener là -bas et son prix est de toutes façons beaucoup trop élevé. Comme nous ne voulons pas nous casser inutilement la tête, nous dégainons notre plan B. Le trajet se termine donc à Chinguetti.
Plus on voyage vers le sud plus il devient fatiguant de voyager avec les transports en commun. L'Afrique n'est pas vraiment un continent où il est pratique de voyager de cette manière. C'est sûrement la raison pour laquelle autant de voyageurs viennent avec leur propre véhicule. Voyager en sac à dos nécessite énormément de temps. Et surtout de la patience, de plus on ne peut se rendre vraiment partout. Autant l'Amérique latine est comme faite pour ce style de voyage, l'Afrique beaucoup moins.
Il se passe plusieurs heures jusqu'à ce que la voiture soit pleine et enfin nous pouvons partir. A Chinguetti il semblerait que la moitié du village soit déjà au courant de notre arrivée. Alors que Manuela cherche un WC public elle se fait interpeller en pleine rue par un parfait inconnu arrivant en courant et qui lui tend un téléphone portable à bout de bras.
"C'est pour toi" lui annonce t'il d'une manière très naturelle.
Abdou est au bout du fil. Il tient une auberge à Chinguetti. Ababa notre connaissance de Nouadhibou est un parent d'Abdou, un oncle au énième degré ou quelque chose dans le genre. Il s'est chargé d'annoncer notre arrivée et depuis notre départ de Nouadhibou a appelé tous les jours pour être sûr que nous soyons bien arrivés. Ca c'est du service à la clientèle!


Chinguetti se trouve à deux heures d'Atar. Il fait toujours aussi chaud et poussiéreux. On roule plein gaz sur la piste et le vent commence à s'en mêler, en peu de temps nous roulons au milieu d'une vrai tempête de sable. Nous nous arrêtons souvent pour prendre des personnes sur la route.
Peu avant Chinguetti, une étrange silhouette apparaît. Debout au bord de la piste, un homme en anorak rose claquant et capuche de fourrure fait signe au chauffeur. Il est en plein soleil. C'est vrai qu'avec cette chaleur on oubli toujours qu'ici, pour eux, c'est l'hiver...


Le téléphone arabe fonctionne parfaitement bien, nous sommes attendus. Cette région, l'Adrar, est la plus touristique de la Mauritanie. Mais en ce moment, aucune trace de touristes. Depuis 2 ans le nombre de touristes a chuté vertigineusement. La Mauritanie se retrouve souvent dans les gros titres, et pas toujours pour de bonnes raisons, ce qui effraie les européens. La plupart se contente de traverser en faisant seulement une pause à la capitale, et encore.
Chinguetti. Cette petite ville-oasis de 2500 habitants, patrimoine mondial de l'humanité, ancien centre religieux et septième ville sainte de l'islam (appelée ville des bibliothèque) à été reconstruite 3 fois. A chaque fois le sable l'avait engloutie. Et il avance encore.
Nous logeons en face de la vieille ville, de l'autre côté de l'Oued, qui n'a pas vu d'eau depuis longtemps et qui ressemble plus à une rivière de sable.

La mosquée.

En chemin pour une des bibliothèques, nous sommes suivis par, je pense, toutes les vendeuses ambulantes du coin, en file indienne. Le dernier "toubab" a été vu il y a plusieurs semaines de ça déjà . Les temps sont durs. Pas évident de leur faire comprendre que nous ne sommes pas intéressé par leurs bijoux. Manuela sympathise avec Mariam et lui promet de quand même venir faire un tour dans sa boutique. Pour boire le thé.
Bonjour monsieur, ce serait pour voir la bibliothèque.

Divers ustensiles, séculaires et pour certains millénaires, se trouvent dans la cour et nous rappellent que depuis toujours, des hommes ont vécu ici.

Un des inestimables manuscrit (scientifique celui-ci) islamique dont les bilbiothèques de Chinguetti sont remplies.

Nous finissons bientôt par connaître tout le monde dans notre petit quartier et on déjà été invité partout pour boire le thé. Cette boisson rend vraiment accroc, les visites quotidiennes deviennent vite un rituel. Et sans y prêter gare on est vite contaminé par la maladie nationale: le colportage de potins.

Il est très paisible et amusant de passer du temps et de discuter avec les gens d'ici, et profiter de la vie paisible de Chinguetti.
Mariam la vendeuse de bijoux, Ă gauche, avec son amie.

Ancienne boutique de chèche.

Bibliothèque moderne?


Nous avons également fait autre chose que boire du thé, à savoir: Une méharée.
Alors que nous prenons notre petit déjeuner avec Abdou, deux dromadaires surgissent du coin de la rue et se pose devant la porte de la cour. Nos vaisseaux du désert.
Ce sont bien des dromadaires, avec une seule bosse, mais ici tout le monde dit quand mĂŞme chameau. Donc nous aussi.

Quoi ma gueule?

Nourriture, eau et couvertures sont chargés sur les deux animaux et nous trottons à côté, direction l'immense mer de sable!


Dés la sortie du village, marqué comme toujours, par un tas de détritus, viennent les premières dunes. Entourant de ces gros paquets de sable, nous avons enfin le droit de monter sur le dos de nos montures. Heureusement que cela se passe loin de la population, on aurait encore été une cause de divertissement.

Notre chamelier nous explique que même si il est dans le désert pour une longue période, il ne s'assoit jamais sur le chameau. Lors d'une méharée, les animaux sont là uniquement pour porter la charge.
Un méhariste marche. Un touriste monte.



Nous nous balançons doucement à travers ces magnifiques contrées. Bien que les dunes s'étendent toujours à perte de vue, les paysages sont variés, pour qui sait regarder le désert. La couleur su sable, sa consistance, parfois dure parfois molle, la présence de petits buissons, d'arbustes, ou leurs absences, la taille des dunes, les regs, etc...
Sur le sol dur on entend les chameaux traînés des pieds, comme si ils marchaient dans des chaussons trop grands.

Monter et descendre d'un chameau est une affaire... bancale... L'animal s'agenouille d'abord sur ses pattes de devant, et là il faut faire attention à ne pas tomber en avant, ensuite il se balance brutalement en arrière pour finir de s'asseoir, et là faut faire gaffe à ne pas se rompre les cervicales... c'est assez violent.
Mais voici venu l'heure du thé, accompagné de dattes, cacahuètes et biscuits secs.


A midi nous nous trouvons dans une oasis. Nafa, notre chamelier fait également office de cuisinier et nous régalent de délicieux plats, tout ça concocté avec une seule gamelle. Riz avec des racines ou des pâtes aux légumes.

Nous pourrions espérer, en plein désert, être à l'abri des vendeurs. Malheureusement pas ici. chacune des cinq familles vivant ici tentera sa chance. Mais toujours dans une bonne ambiance. Après un thé et une petite sieste sous les palmiers, on reprend la route, il nous faut atteindre notre lieu de bivouac avant la nuit.
Quelques heures plus tard nous installons notre "campement" à la belle étoile. Un grand tapis, sacs de couchages, et nous nous réjouissons à l'idée de passer cette nuit en plein désert.
Nous cherchons du bois, facile, il y a beaucoup d'acacias qui poussent dans le coin. La marmite de riz bouillonne sur le feu, Nafa prépare une galette qu'il fera cuire dans le sable chaud sous le feu. Pour le petit déjeuner.


C'est avec un ventre bien rempli et bien chaud que nous nous glissons dans nos sacs de couchages et essayons de trouver le sommeil. Pas facile, dans quelques jours c'est la pleine lune et il fait déjà presque aussi clair qu'en plein jour. Tellement clair qu'on distingue à peine les étoiles. :schock:
Nafa ne dormira pas beaucoup. Afin que nous n'ayons pas à aller chercher les chameaux trop loin demain matin, il veillera à ce qu'ils ne s'éloignent pas trop du camp. En effet bien que les pattes des animaux soient, comme de coutume, liées pour la nuit, ils parviennent quand même en faisant de petits bonds (c'est assez marrant à voir) d'acacia en acacia, à couvrir une sacrée distance en une nuit. Les chameaux passent leur temps à manger, comme des affamés. Le peu de verdure que l'on trouve ici n'est pas très nourrissante. C'est un animal vraiment étonnant, un chameau qui mange bien, et de la bonne herbe, n'a pas besoin d'eau.

Lorsque la lune se couche enfin, des millions d'étoilent étincellent alors dans le ciel. Les étoiles filantes passent à toutes vitesses au dessus de nous. Magnifique.
Mais froid!
Avec le lever du soleil nous attends un café bien chaud avec la galette préparée la veille. Notre dos nous rappelle que le sable, à force, ça finit par être sacrément dur.

Nous commençons la journée en marchant. Premièrement il fait encore relativement frais, deuxièmement on a les fesses en compote de la veille, troisièmement il y a un réel risque de se rendormir bercé par la démarche du chameau.
Nafa, continu à nous régaler de ses talents de préparateur de thé. Il lui suffit de quelques brindilles pour faire un feu (il n'y a pas besoin de beaucoup plus pour la minuscule théière) et nous préparer le délicieux breuvage.
C'est une sensation incroyable d'être là , assis à l'ombre d'un acacia entre deux dunes et de boire paisiblement un bon thé chaud au milieu des ces paysages fascinant, dans cet environnement soi-disant hostile.




Chinguetti ne veut pas encore nous laisser partir. Nous apprécions l'hospitalité d'Abdou qui dirige son "auberge" comme sa vie, avec beaucoup d'humour et de sérénité. Vendredi c'est "Tabaski" comme on dit en Afrique de l'Ouest, la fête du sacrifice. L’Aïd el-Kebir. La fête la plus importante de l'islam.
C'est l'occasion pour les enfants de recevoir de nouveaux vêtements en cadeau. Les adultes sortent leurs plus beaux "Boubous". En cette journée, de nombreux moutons y laisseront la vie. Abdou nous invite dans sa famille pour manger le mouton. On se régale d'un délicieux plat avec sauce, beaucoup d'oignons et du pain.
Mais d'abord il y aura des dattes et bien sûr du thé.
Abdou m'offre un boubou. :schock: et Manuela reçoit un voile en cadeau. Je ne vous cacherait pas que l'on se ent un peu "déguisé" habiller de la sorte. Mais que ne ferait t'on pas pour faire plaisir à ses hôtes et leur redonner ainsi un peu de tout ce qu'ils nous offrent.


Notre sac à dos se remplit toujours plus des cadeaux que nous recevons. On ne sait plus où les mettre. Nous apprenons donc, lorsque nous sommes invités, à ne plus faire de compliments sur les objets, vêtements et autres, sinon on nous les offres tout de suite!!!! :schock:

Nous sommes vraiment touché par l'hospitalité des Mauritaniens.
Sinon, on ne peut pas dire que le pays soit très festif, en tous cas comparé aux autres pays de l'Afrique de l'Ouest. Ils sont très strict avec l'interdiction de l'alcool, par exemple, plus que dans les autres pays musulmans.
Quand même, le jour suivant, c'est la fête nationale, décidément ça enchaîne, on ne va jamais réussir à partir.

Alors là , c'est quand même très spécial comme ambiance. On fait la part belle aux militaires (un peu comme chez nous quoi

) et autres notables de la ville. C'est un peu effrayant au début. On prend bien soin de s'afficher avec Abdou (on est toujours les seuls toubab dans le coin) et je sors tout de suite l'appareil photo que je mets bien en évidence. Je fais signe à plusieurs militaires gradés que je vais photographier, j'obtiens l'autorisation.
C'est parti!
Tout commence avec la présentation des militaires et la levée de drapeau........




S'ensuit un petit jeu où les enfants les plus jeunes doivent se rendrent, yeux bandés, à une corde où sont accrochés divers cadeaux empaquetés. Après s'être emparé d'un cadeau (on a pas le droit de tâter pour prendre le plus gros!

) l'enfant l'apporte au chef des militaires ou au responsable de la ville qui lui donne alors officiellement le droit de l'ouvrir. Et il repart vers ces camarades, les yeux brillants, avec son cadeau dans les mains. Ce sont en général des sucreries.



La course en sac qui suit est l'occasion d'une bonne grosse rigolade avant qu'une autre course plus sérieuse prenne place. Le sprint. Et il faut les voir courir, il y mettent tout leur coeur à prouver que ce sont les plus rapides. La foule est en délire!

Quand je serais grand je serais Usain Bolt!!!

Une chorale de fille clot les festivités.

Nous aurions dû également assister à une course d'âne et une course de chameau mais comme quelqu'un est mort aujourd'hui il a été décidé d'écourter la fête, par respect.
Nous battons officiellement le record de durée de séjour à Chinguetti pour des touristes. C'est pas la première fois durant ce voyage.

Ca fait plus d'une semaine que nous prenons le temps de connaître les gens, boire le thé et papoter! C'est incroyable comme les rencontres sont aisés ici. En Mauritanie personne n'est pressé ni stressé, alors pourquoi l'être soi-même?
Avant que l'on finisse par s'installer définitivement, Abdou nous organise le retour vers la civilisation. Mais avant on aura encore droit à des cadeaux, théière et service à thé. Le taxi brousse nous ramène à Atar d'où, plusieurs heures plus tard, part un bus pour la capitale, Nouakchott. Nous arrivons la nuit à Nouakchott mais la recherche d'une auberge nous est facilité par un sympathique polonais rencontré dans le bus et qui est déjà venu ici auparavant.
Nous passons les jours suivants Ă laver notre linge, organiser les visas pour le Mali et nous reposer.
Un vendredi, nous nous décidons à prendre la route vers le Mali. C'est un long trajet sur la "Route de l'Espoir". Quasiment 1500 kilomètres, jusqu'à Bamako.
Alors que Manuela prend son petit déjeuner, je me rends à la gare routière et achète deux billets pour la prochaine ville sur le trajet, Kiffa. A mon retour je la trouve, toujours attablé, à discuter avec un toubab d'une quarantaine d'année, Edgar, un Français qui se propose de nous amener jusqu'à Bamako, puisqu'il s'y rend également.
Il ne souhaite mĂŞme pas que l'on participe aux frais d'essence. Cool!
- "Mais par contre c'est moi qui choisit la musique!" nous lance t'il.
- "Pas de soucis, c'est ta voiture, c'est ta musique!" que je réponds.
- "Non parce que bon, un bon Requiem de Mozart, à fond, au milieu du désert, c'est quand même vachement trash!!!!!"

Là , j'ai su que ce trajet allait être mé-mo-rable.
Je suis retourner en courant me faire rembourser les tickets de bus.

@+ pour la suite!