
Bon nombre des utilisateurs de flash se sont un jour posé la question d'une équivalence possible entre un flash de studio et un flash cobra. Et, si c'est votre cas, on vous a répondu à l'unisson: "on ne peut pas comparer".
Eh bien si. Mais il faut comparer ce qui est comparable, voilà tout.
Comme j'étais d'humeur curieuse aujourd'hui, et surtout que je n'avais rien à faire de mon après midi (

Il est composé de trois parties: la recherche d'une couverture équivalente dans un premier temps, puis la recherche d'une énergie lumineuse équivalente, puis les calculs associés et la conclusion.
Pour le cobra, j'ai utilisé un Yongnuo YN-560II. Bien connu des strobistes, ce flash tout manuel d'une qualité de fabrication étonnante se trouve aux alentours de 60€. Il affiche un nombre guide de 58mm à 105mm: c'est du costaud. Il peut être déclenché via le sabot ISO, par un câble synchro, où à l'éclair via une cellule intelligente qui propose deux modes: le premier est classique, et le deuxième permet d'ignorer les pré-éclaires générés par un flash de commande en TTL.
Une petite photo d'identité:
Pour le flash de studio, c'est une torche Elinchrom D-Lite RX 2 que j'ai choisie, qui a rejoint mon équipement hier. 200J à pleine puissance, 12,5 à puissance minimale, avec un réglage par IL (qui est une échelle exponentielle: monter d'un IL revient à multiplier l'énergie de l'éclair par deux.) Cela correspond donc à une plage de réglage sur 4IL: 12,5J - 25J - 50J - 100J - 200J, avec à chaque fois dix valeurs intermédiaires. Elle est équipée d'un réflecteur 16cm/45° standard.
Il ressemble à ça:
PREMIÈRE PARTIE: Recherche de la couverture équivalente.
Comme tout le monde le sait, il faut comparer ce qui est comparable. Et, tous les utilisateurs de cobras le savent: quand on augmente la "focale" du flash, le nombre guide -donc l'énergie lumineuse résultante- augmente. C'est logique, puisque la surface éclairée diminue!
Donc, évidemment, pas question d'aller comparer le flash de studio avec le Yongnuo réglé sur n'importe quelle "focale". Il faut d'abord trouver la "focale" du flash qui va couvrir la même surface que le D-lite RX2 avec son réflecteur 16cm/45°.
Comment j'ai fait: j'ai placé, sur trépieds, le Yongnuo et l'Elinchrom. Puis, sur trépied, j'ai placé mon boitier de telle façon qu'il soit à équidistance des deux tubes éclairs. Les flashs étaient dirigés vers moi. J'ai réglé mon boitier une fois pour toute, puis j'ai placé le parapluie -de façon un peu arbitraire- sur l'Elinchrom. J'ai ajusté la position du parapluie de façon à avoir une couverture lumineuse tangente aux bords du parapluie (il se trouvait donc entre le flash et l'appareil photo, et faisait un merveilleux "écran" pour visualiser le résultat). Ensuite, j'ai reporté cette distance entre le parapluie et le tube éclair du Yongnuo. Premier essai en position "24mm", le résultat était prévisible: c'est presque aussi large sur les côtés, mais ça éclaire en rectangle: le haut et le bas du parapluie ne sont pas éclairés. Je sors le diffuseur grand-angle du Yongnuo et je recommence: PARFAIT! La couverture est vraiment très proche de celle obtenue avec l'Elinchrom!
Conclusion: l'Elinchrom avec son réflecteur standard a la même couverture que le Yongnuo avec le diffuseur grand-angle sorti. Bon à savoir.
DEUXIEME PARTIE: Recherche de l'énergie lumineuse équivalente.
Maintenant qu'on a l'équivalence en couverture, on peut commencer à comparer la lumière qu'ils produisent.
Le protocole? Les deux flashs sur pieds, à une distance égale d'un mur blanc. Et, bien sûr, le boitier, toujours à équidistance de ces deux flashs. Ainsi, s'ils émettent la même quantité de lumière, le boitier recevra la même quantité de lumière. Pas de déséquilibre. Pour ce qui est de l'objectif, j'ai utilisé le 24-70 à 24mm, vous allez comprendre pourquoi.
Le principe n'est pas de mesurer l'éclairement global, mais la valeur de l'éclairement maximal de la scène.
D'abord, j'ai réglé progressivement le Yongnuo de façon à avoir le bord droit de l'histogramme calé pile au milieu de celui-ci. J'ai trouvé le réglage suivant: 1/8 + 0,5. Ensuite, même chose pour l'Elinchrom: celui-ci m'affiche alors 1.2, mais attention: j'ai divisé la sensibilité par deux car il était trop puissant. Il faudra penser à multiplier par deux.
Puis j'ai réglé le Yongnuo de façon à avoir le bord droit de l'histogramme calé à droite de celui-ci, mais en le touchant à peine. Le Yongnuo m'affiche 1/2 + 0,5, mais j'ai du multiplier la sensibilité par deux car il était trop peu puissant: il faudra penser à diviser le résultat par deux. L'Elinchrom se promène, et m'affiche 4.2
Gardons ces résultats dans un coin, et passons aux calculs.
TROISIÈME PARTIE: CALCULS ET CONCLUSION.
Ceux qui sont allergiques aux maths, vous pouvez passer à la fin tout de suite, on ne vous en voudra pas! Ce n'est pas capital, c'est juste pour expliquer comment j'ai fait

Tout d'abord, il faut trouver l'équation qui, à la valeur affichée par l'Elinchrom (2.4 par exemple), associe l'énergie lumineuse, en Joules (ou Watts-Seconde, et certainement pas "Watts par seconde" comme on le lit souvent: c'est W.s, pas W/s. Ce ne sont pas non plus des Watts (W tout seul). Ça n'a rien à voir physiquement parlant).
A pleine puissance, pour une énergie de 200J, il affiche 5.0, donc on a:
5.0 pour 200J
4.0 pour 100J
3.0 pour 50J
2.0 pour 25J
1.0 pour 12,5J
Les matheux trouveront vite la relation qui est celle d'une suite géométrique: notons l'énergie E, n la valeur affichée par le flash, on a:
E = 12,5 x 2^(n-1) (attention, elle n'est valable que pour ce flash en particulier)
Maintenant, il faut trouver des fractions qui correspondent aux 1/8 + 0,5 et 1/2 + 0,5. On devine facilement que les +0,5 signifient que la puissance effective est comprise entre la valeur affichée, et le cran supérieur.
Ainsi, pour 1/8 + 0,5, c'est compris entre 1/8 et 2/8 (1/4 quoi), c'est donc 3/16.
Et pour 1/2 + 0,5, c'est compris entre 1/2 et 2/2 (1/1), c'est donc 3/4. Mais attention! On avait doublé la sensibilité! Si on l'avait pas fait, le flash aurait du afficher 3/2, soit 1,5 fois plus que sa puissance nominale, c'est pas possible: ben oui, sinon, on n'aurait pas monté la sensibilité. C'est bien ce 3/2 qu'on va retenir.
Maintenant, les équivalences: Le Yongnuo à 1/8 + 0,5 éclairait comme l'Elinchrom à 1,2 avec la demi-sensibilité. Ça signifie que 3/16 de la puissance du Yongnuo, ça correspond à (12,5 x 2^(1,2-1))/2, soit 7,18J
Donc à pleine puissance, le Yongnuo éclaire comme l'Elinchrom à 7,18 x 16/3 = 38,29J
Et on avait la deuxième équivalence (qui permet d'affiner le résultat): Le Yongnuo à 1/2 + 0,5 avec la double-sensibilité éclairait comme l'Elinchrom à 4.2. Cela signifie que 3/2 de la puissance du Yongnuo, ça correspond à 12,5 x 2^(4,2-1) = 51.5J
Donc à pleine puissance, le Yongnuo éclaire comme l'Elinchrom à 51,5 x 2/3 = 34,33J. C'est bon signe: on trouve deux résultats proches à même pas 10%!
On va prendre la moyenne des deux: on obtient environ 36J.
CONCLUSION: Avec une couverture équivalente au D-Lite 2 et son réflecteur 16cm/45°, c'est à dire avec son diffuseur grand-angle sorti, le Yongnuo produit le même éclairement à pleine puissance qu'un flash de studio de 36J. C'est pas beaucoup, hein? On vous avait bien dit que les flashs de studio étaient plus puissants!

Des commentaires? Des questions? Je vous écoute, et merci de m'avoir lu!

Pierre