C'est (re)parti! Bonne lecture:
Il n'y a qu'une route pour rejoindre la dernière ville du Maroc atteignable en transport en commun. Mais on est toujours pas à la frontière.

Autant que faire ce peut nous mettons une étape sur le trajet. Depuis Agadir nous avons six heures de route jusqu'à Tan Tan. Nous tombons régulièrement sur des contrôles policier ou militaire. Mais ils sont toujours polis, demandent les papiers, posent des questions sur nos emplois et notre destination.

Le paysage est aride, poussiéreux, d'un beige uniforme. De temps en temps un buisson perdu s'invite dans l'image. Sinon apparaissent parfois également quelques chameaux. Après Tan Tan, ou plus exactement tout de suite après Tarfaya, nous ne sommes théoriquement plus au Maroc. Cette partie du continent s'appelle le Sahara Occidental et est occupé et administré par le Maroc. Ancienne colonie espagnole, après que d'importantes mines de phosphates aient été découvertes, ce territoire fût revendiqué par le Maroc et par la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée par le Front Polisario en 1976. Ce qui engendra d'important conflits. Une longue histoire qui n'est aujourd'hui, toujours pas réglé, officiellement le Sahara Occidentale est déclaré territoire non autonome par l'ONU. Depuis le cessez-le-feu de 1991, le Maroc contrôle et administre environ 80 % du territoire, tandis que le Front Polisario en contrôle 20 % laissés par le Maroc derrière une longue ceinture de sécurité, le « mur marocain ». Le Maroc construit et investit massivement dans la région, de telles sorte qu'on ne puisse discuter sa "possession" du territoire.

Laayoune est la ville principale de cette région, que nous atteignons après un second trajet de six heures depuis Tan Tan. Laayoune est spécial. Les policiers et militaires pullulent. Il n'y a pas beaucoup d'hôtels, les plus chics ou les plus "fréquentables" sont entièrement occupé par le personnel des Nation Unies, les parkings sont remplis de Toyota blancs flanqués des lettres UN.
Après une nuit dans un hôtel peu regardant sur le remplissage des feuilles d'immigrations, nous poursuivons notre route, toujours plus au sud. Toutes ces villes ne sont pas des endroits où resté longtemps, il n'y a rien à y faire.

La dernière étape en bus dure dix heures. Le trajet vers le sud est long et solitaire. Plusieurs centaine de kilomètres à travers un paysage monotone. De temps en temps on aperçoit l'Atlantique, parfois une dune de sable isolée. Sinon à des kilomètres alentours, aucun arbres, uniquement les ondulations d'une chaleur accablante.

Le voyage dure aussi longtemps, entre autre, parce nous devons constamment nous arrêter aux différents contrôle, montrer notre passeport et répondre aux questions, toujours la même procédure. Surtout nous, les seuls étrangers à bord, les Marocains eux, sont épargnés. Du moment que personne ne veut nous soutirer un bakschisch, pour nous tout cela est okay. Nous nous excusons auprès des autres passagers de leur faire perdre leur temps mais cela n'a pas l'air de les déranger.
Après dix heures d'un trajet en quasi ligne droite, nous tournons à droite, Dakhla se trouve sur une petite péninsule. On a un peu l'impression d'arriver au bout du monde, nous n'attendons donc pas vraiment une ville. Mais Dakhla est tout à fait montrable. non pas qu'il faille à tout prix endurer tout ces kilomètres pour la voir, mais elle est très agréable et bien que si isolé du monde, étonnement bon marché.
Depuis que nous avons quitté Agadir, le flux de touristes a considérablement diminué. Ici bas personne ne vient se perdre volontairement. Dakhla est le dernier endroit où l'on peut collecter des informations sur les possibilités de passer la frontière, car il n'y a officiellement aucun transport pour le faire, c'est de la débrouille. Un habitant nous dira cette jolie phrase:
"Le Maroc c'est pour les touristes, Dakhla, pour les voyageurs".
Nous nous plaisons vraiment bien ici. L'ambiance est agréable, il il y a un va et vient dans les rues de la ville, comme un gros hub, une grosse plateforme d'échange entre voyageurs. Il y en a peu qui comme nous voyagent à travers l'Afrique en transports en commun, la plupart le font avec leur propre véhicule.
Les Mauritaniens ont décidés sur un coup de tête de ne plus distribué de visa à la frontière. Le visa de transit non plus. Beaucoup ont été surpris par ce changement de dernière minute et ont été obligé de faire demi tour ou de trouver un plan B. L'info circule à présent parmi les voyageurs qui s'organisent, certains retournent à la capitale avec les passeports pour aller chercher les papiers nécessaires pour tout le monde. D'autres, plus fortunés, envoient leur collègue en avion aux îles Canaries, plus proches, afin de ramener le précieux sésame plus rapidement.
Pour une fois nous avons de la chance, nous avons déjà obtenu notre Visa à Rabat.
Comme précédemment cité, il nous faut trouver un chauffeur pour faire les derniers 400 kilomètres jusqu'à la frontière.
Nous rencontrons Ababa, un sympathique Mauritanien qui fait ce trajet, pour rester actif comme il dit. Ababa est retraité et ne peut se résoudre à rester à la maison à ne rien faire. Il habite à Nouadhibou, la première ville après la frontière, exactement là où nous voulons nous rendre.
Il se réjouit qu'au contraire de beaucoup, nous ne faisions pas que traverser son pays mais que nous voulions y rester pour le visiter. Il nous remplit la tête de conseils, d'idées et de recommandations, mais toujours poliment et sans vouloir être pressant, tout le contraire de ce à quoi nous étions habitué jusqu'à présent.
Nous rencontrons encore un Français qui se rend au Burkina Faso avec son camion remplit de matériel humanitaire, il nous propose également de nous emmener jusqu'à la frontière, mais il n'a vraiment pas beaucoup de place et il faudrait se serrer à l'arrière du camion. Nous décidons donc de partir avec Ababa.

Lundi matin, c'est le grand départ, Comme promis, Ababa est au rendez-vous, un sénégalais rentrant chez lui est également de la partie, ainsi qu'un marocain. La route est toujours aussi droite, des deux côtés, un paysage poussiéreux. Il fait chaud et nous devons nous presser car la frontière n'est ouverte que jusqu'à 18:00.

Ababa roule constamment au milieu de la route, sur la bande blanche, quand il y en a une. Soudainement, alors que nous sommeillons tous dans la chaleur de la mi journée, la voiture fait une embardée et nous nous retrouvons sur le bas côté droit de la route! Ababa corrige brutalement la trajectoire: "Je suis franc avec vous, je me suis endormi un court instant". Je ne suis pas sûr d'avoir envie d'autant de franchise… Le plus intéressant c'est qu'avant de partir il nous expliquait fièrement comme il est préférable, pour des raisons de sécurité, de faire le trajet avec une personne de son âge, expérimenté, plutôt qu'avec un jeune.
Plus loin sur la route, une odeur de caoutchouc brûler nous monte au nez. Une crevaison. Le pneu a fondu, nous roulons sur la jante. Nous vidons le coffre à bagage afin d'accéder à la roue de secours et de la monter le plus rapidement possible. Nous avons de moins en moins de temps.

La frontière, côté Marocain nous accueillent avec ces mignons petits bâtiment et un joli passage en voûte. Nous réglons la paperasse. Ca dure. La grande aiguille n'est plus très loin de 6 heures. Personne ne veut dormir à cette frontière. a 18:10 nous pouvons traverser.
Immédiatement après la jolie voûte, la route s'arrête laissant place à une piste défoncé, jamais entretenue, et pour cause, ici commence le no man's land. Le terrain est miné des deux côté de l'étroite piste. Un seul mot d'ordre: ne jamais en dévier!
Il fait bientôt sombre, Ababa engage sa vieille Mercedes sur la piste trouée et cahoteuse. Un silence de plomb règne dans la voiture, au bout de quelques instants nous nous demandons tous si il connaît vraiment le chemin qui devient difficile à trouver. "Oui, Oui, il faut juste suivre la piste, ce n'est que mon deuxième voyage mais j'ai fais une prière juste avant, alors "Inchallah"…". Voilà pour l'expérience de notre chauffeur. Nous progressons tant bien que mal, slalomons au milieu d'épaves calcinées. Il ne ferait pas bon tomber en panne ici, personne ne viendrait nous dépanner.

D'autres connaissent apparemment l'endroit beaucoup mieux que nous, des véhicules tout terrain et des camions sont rangés sur le bas côté, des hommes attendent, le regard sombre. Ce sont des trafiquants, voitures, armes, drogue, tout ce que l'on peut passer en contrebande. Ils attendent de transférer leur marchandise dans d'autres véhicules, une fois la nuit tombée. Bien qu'officiellement fermée à 18:00, la frontière reste ouverte bien plus longtemps mais pour d'autres type d'activités.
Nous arrivons bientôt de l'autre côté. Les gardes frontières Mauritaniens sont très amicaux, nous sommes chaleureusement accueillis, nous discutons brièvement et échangeons quelques blagues. L'euphorie qui règne traduit le soulagement que nous éprouvons tous d'avoir traversé sans encombres. Le reste du trajet se fait dans l'obscurité, je ne sais pas à travers combien de contrôle nous sommes passés. Beaucoup en tous les cas.
A 20:00 nous arrivons Ă Nouadhibou. Nous ne voyons rien de la ville, nous avons encore juste assez de force pour nous laisser tomber dans le lit offert par un ami d'Ababa...
A suivre...