Candide chez les Sonystes.
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Une adaptation
de l’œuvre immortelle de
Voltaire
__________________________________________________________________
Chapitre premier
Comment Bob se mit en pétards
et comment Candide naquit bien tragiquement.
Il y avait, à Lapénouse de Cernon, dans le Larzac, un massif quinquagénaire barbu qui élevait lui-même un adolescent nommé Candide qu’il chérissait comme son propre fils. Bob avait interrompu, en 68, ses études de Lettres, suite à une grave déception : alors qu’il était allé demander une nouvelle boîte de cent feutres rouge permanent au « camarade recteur » lors des journées de mai, celui-ci, exaspéré, avait refusé d’en donner et parlé de faire donner les CRS ! Bob en avait conçu une légitime irritation contre le milieu universitaire, allié objectif du grand capital et des trusts, et, six mois plus tard, la bourgeoisie honnie ayant regagné les élections, il choisissait un retour à la vraie vie en s’installant en pleine nature, dans une ferme abandonnée, avec quelques autres rebelles. Le groupe avait résisté quelques années à l’inconfort et à l’isolement puis s’était dispersé, plusieurs membres ayant dû rentrer d’urgence prendre la succession de papa à la tête de l’usine familiale. Seul Bob était resté, avec Hildegarde, blonde étudiante originaire d’Heidelberg, sa Lorelei à la voix si grave et aux yeux d’un bleu si profond que lui aussi s’y était noyé… Ils avaient acheté quelques chèvres, vendaient leurs fromages au marché local, Bob s’était reconverti en écrivain public occasionnel et faisait, en outre, avec son antique Minolta SRT 101, quelques reportages pour le photographe local, lequel, possédant un privilège de bouilleur de cru, les fournissait en eau de vie de poire, Hildegarde faisait de l’aquarelle sur poteries, et tous deux vivaient en paix, visités, l’été, par d’anciens camarades de révolution, reconvertis dans la presse, la pub ou l’enseignement, et qui faisaient halte en descendant sur Saint- Trop. Avec Serge Joly, fondateur du journal « Délibérations », l’un des plus fidèles visiteurs était CMG Dessailly, colosse débonnaire qui, durant les événements de mai, avait défié les CRS aux côtés de Bob et de Gilles Caron. Il dirigeait à présent le mensuel spécialisé « Traqueur de Dîmage » et c’était chaque fois avec Bob d’interminables discussions sur la pratique d’une photographie authentiquement prolétarienne, anti-trusts et déstructurée ou sur les mérites comparés, en portrait, du 85mm Minolta et de son concurrent de chez Canon. Les deux amis s’empoignaient durement, chacun défendant sa marque favorite et poursuivaient leur affrontement devant l’échiquier en olivier aux pièces sculptées par Bob, le noble jeu, découvert durant leurs années d’études, les passionnant tous deux également. On avait renoncé à refaire le monde, mais on échangeait des joints autour du feu en écoutant Brassens sur l’antique Teppaz à piles et en discutant passionnément littérature, la politique ayant déçu. Bob avait emporté quelques œuvres essentielles : tout Flaubert et tout Baudelaire en Pléiade, le théâtre complet de Racine dont la musique le ravissait, s’il ne partageait pas ses convictions politiques et religieuses, le déclarant « coincé sévère côté sexe » D’autres ouvrages moins classiques étaient là , qu’il adulait tout autant : les Dingodossiers et la rubrique à Brac de Gotlieb, quelques San-Antonio de la grande époque et les Pensées de Pierre Dac. Bob avait encore en permanence près de lui sa « Bible » : « Mes soixante meilleures parties » du génie américain Bobby Fisher. Hildegarde, réfractaire au jeu d’échecs, relisait Karl Marx et Patrick Süskind en version originale à la lumière changeante de la lampe à pétrole, et tout baignait, loin de la pollution, dans le meilleur des mondes possibles.
Mai 68 avait proclamé que le couple traditionnel était un lieu d’aliénation et de frustrations de petits bourgeois, ils s’autorisaient donc une entière liberté en matière de mœurs, toute idée de jalousie leur étant aussi étrangère que celle d’embaucher un équipage qualifié à un armateur de super-tanker libérien. Aussi, lorsque Hildegarde apprit à Bob qu’elle était en train de tomber amoureuse de leur hôte du moment, Johnny, fringant GI texan, plus enclin à visiter l’Europe que le Viêt-Nam, Bob, qui savait vivre, déclara-t-il qu’il allait visiter le salon de l’Agriculture et y prêcher pour le biologique, afin de la laisser mener en paix son idylle. Celle-ci se conclut, neuf mois plus tard, par un départ nocturne pour la maternité de Millau, à bord de leur GS break dont un phare manquait.
Ce fut cette nuit que la vie de Bob bascula en même temps que la Citroën, à cause d’un virage mal indiqué : Il sortit du coma, une semaine après, pour apprendre que la lumière de sa vie s’était éteinte en laissant au monde un superbe bébé blond en pleine santé. Les derniers mots de la malheureuse Hildegarde avaient été pour demander qu’on nommât son enfant « Candide », ce qu’elle obtint évidemment. Bob, pour sa part, sombra dans une terrible dépression et, s’il échappa de peu à la folie, sans doute la pensée qu’il se devait maintenant au fils d’Hildegarde y fut-elle pour beaucoup. Il fit des pieds et des mains pour qu’on lui rendît l’enfant, dès que lui-même fut rétabli et, faisant valoir son niveau d’études très supérieur, déclara qu’il l’éduquerait lui-même, ce qu’on lui accorda de mauvaise grâce.
(Ă suivre)
de l’œuvre immortelle de
Voltaire
__________________________________________________________________
Chapitre premier
Comment Bob se mit en pétards
et comment Candide naquit bien tragiquement.
Il y avait, à Lapénouse de Cernon, dans le Larzac, un massif quinquagénaire barbu qui élevait lui-même un adolescent nommé Candide qu’il chérissait comme son propre fils. Bob avait interrompu, en 68, ses études de Lettres, suite à une grave déception : alors qu’il était allé demander une nouvelle boîte de cent feutres rouge permanent au « camarade recteur » lors des journées de mai, celui-ci, exaspéré, avait refusé d’en donner et parlé de faire donner les CRS ! Bob en avait conçu une légitime irritation contre le milieu universitaire, allié objectif du grand capital et des trusts, et, six mois plus tard, la bourgeoisie honnie ayant regagné les élections, il choisissait un retour à la vraie vie en s’installant en pleine nature, dans une ferme abandonnée, avec quelques autres rebelles. Le groupe avait résisté quelques années à l’inconfort et à l’isolement puis s’était dispersé, plusieurs membres ayant dû rentrer d’urgence prendre la succession de papa à la tête de l’usine familiale. Seul Bob était resté, avec Hildegarde, blonde étudiante originaire d’Heidelberg, sa Lorelei à la voix si grave et aux yeux d’un bleu si profond que lui aussi s’y était noyé… Ils avaient acheté quelques chèvres, vendaient leurs fromages au marché local, Bob s’était reconverti en écrivain public occasionnel et faisait, en outre, avec son antique Minolta SRT 101, quelques reportages pour le photographe local, lequel, possédant un privilège de bouilleur de cru, les fournissait en eau de vie de poire, Hildegarde faisait de l’aquarelle sur poteries, et tous deux vivaient en paix, visités, l’été, par d’anciens camarades de révolution, reconvertis dans la presse, la pub ou l’enseignement, et qui faisaient halte en descendant sur Saint- Trop. Avec Serge Joly, fondateur du journal « Délibérations », l’un des plus fidèles visiteurs était CMG Dessailly, colosse débonnaire qui, durant les événements de mai, avait défié les CRS aux côtés de Bob et de Gilles Caron. Il dirigeait à présent le mensuel spécialisé « Traqueur de Dîmage » et c’était chaque fois avec Bob d’interminables discussions sur la pratique d’une photographie authentiquement prolétarienne, anti-trusts et déstructurée ou sur les mérites comparés, en portrait, du 85mm Minolta et de son concurrent de chez Canon. Les deux amis s’empoignaient durement, chacun défendant sa marque favorite et poursuivaient leur affrontement devant l’échiquier en olivier aux pièces sculptées par Bob, le noble jeu, découvert durant leurs années d’études, les passionnant tous deux également. On avait renoncé à refaire le monde, mais on échangeait des joints autour du feu en écoutant Brassens sur l’antique Teppaz à piles et en discutant passionnément littérature, la politique ayant déçu. Bob avait emporté quelques œuvres essentielles : tout Flaubert et tout Baudelaire en Pléiade, le théâtre complet de Racine dont la musique le ravissait, s’il ne partageait pas ses convictions politiques et religieuses, le déclarant « coincé sévère côté sexe » D’autres ouvrages moins classiques étaient là , qu’il adulait tout autant : les Dingodossiers et la rubrique à Brac de Gotlieb, quelques San-Antonio de la grande époque et les Pensées de Pierre Dac. Bob avait encore en permanence près de lui sa « Bible » : « Mes soixante meilleures parties » du génie américain Bobby Fisher. Hildegarde, réfractaire au jeu d’échecs, relisait Karl Marx et Patrick Süskind en version originale à la lumière changeante de la lampe à pétrole, et tout baignait, loin de la pollution, dans le meilleur des mondes possibles.
Mai 68 avait proclamé que le couple traditionnel était un lieu d’aliénation et de frustrations de petits bourgeois, ils s’autorisaient donc une entière liberté en matière de mœurs, toute idée de jalousie leur étant aussi étrangère que celle d’embaucher un équipage qualifié à un armateur de super-tanker libérien. Aussi, lorsque Hildegarde apprit à Bob qu’elle était en train de tomber amoureuse de leur hôte du moment, Johnny, fringant GI texan, plus enclin à visiter l’Europe que le Viêt-Nam, Bob, qui savait vivre, déclara-t-il qu’il allait visiter le salon de l’Agriculture et y prêcher pour le biologique, afin de la laisser mener en paix son idylle. Celle-ci se conclut, neuf mois plus tard, par un départ nocturne pour la maternité de Millau, à bord de leur GS break dont un phare manquait.
Ce fut cette nuit que la vie de Bob bascula en même temps que la Citroën, à cause d’un virage mal indiqué : Il sortit du coma, une semaine après, pour apprendre que la lumière de sa vie s’était éteinte en laissant au monde un superbe bébé blond en pleine santé. Les derniers mots de la malheureuse Hildegarde avaient été pour demander qu’on nommât son enfant « Candide », ce qu’elle obtint évidemment. Bob, pour sa part, sombra dans une terrible dépression et, s’il échappa de peu à la folie, sans doute la pensée qu’il se devait maintenant au fils d’Hildegarde y fut-elle pour beaucoup. Il fit des pieds et des mains pour qu’on lui rendît l’enfant, dès que lui-même fut rétabli et, faisant valoir son niveau d’études très supérieur, déclara qu’il l’éduquerait lui-même, ce qu’on lui accorda de mauvaise grâce.
(Ă suivre)
J'ai du Canon mais je me soigne!
Salut Jean-Louis.
Merci beaucoup pour ta prose, j'ai pris un grand plaisir Ă la lire.
En te parcourant, je me suis dit qu'il n'y a bien que sur ce forum qu'on peut tomber sur des sujet de ce type, à la fois poétique, anecdotique, mystérieux et ironiques.
Maintenant que je suis apaté, je veux la suite
Bricos.
Merci beaucoup pour ta prose, j'ai pris un grand plaisir Ă la lire.
En te parcourant, je me suis dit qu'il n'y a bien que sur ce forum qu'on peut tomber sur des sujet de ce type, à la fois poétique, anecdotique, mystérieux et ironiques.
Maintenant que je suis apaté, je veux la suite

Bricos.
Alpha57 CZ16-80, 35macro + du old : 50/1,4 - 100Macro - 135/2,8
traqueur de DĂŻmage..... 

Nex 7 + 18-55 + 18-200 + Voigtlander 15 et 35 1,7 + Zeiss G 28, 45 et 90 | Nex 3 défiltré. 50 1,7 et 35 2,8 Zeiss ; 24 2,8 ; ... ; 50 2,8 macro ; 100 2,8 macro ; 17-35 2,8-4 ; 85 1,4 CZ Contax ; 24-105 ; Tokina 500 f8 MD ; .
-
Bertrand T - Messages : 2146
- Photos : 30
- Inscription : 24 Mars 2007
- Localisation : La Haye
J'ai pris un grand plaisir Ă la relire.
Il va de soi que ce forum attend la suite : elle y sera mieux choyée que sur Faux-Time.

CLE, Hexar RF de 12 à 90 mm • Alpha, Dynax de 8 à 500 mm… et d'autres systèmes
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
_Ah, que d'émotion, Thierry ! un ancien lecteur qui se rappelle les prises de bec avec un moineau de lecteur!
Nostalgie, quand tu nous tiens...
Mais le "J'erre, minable", lui, est inédit dans sa seconde partie. Tu verras ça bientôt, Bertrand!
Je vais déjà essayer de vous mettre de la nouveauté dans çui-là -jusque là j'ai seulement réussi à changer le Spotmatic en SRT 101, ce qui reste très loin des variantes des différentes versions des manuscrits de Flaubert (dans "l'Education" ; première version : "et il l'aimait tellement qu'il sortit" : version définitive : "et il l'aimait tellement qu'il se retira" ! hi hi hi !!!
_Ben non, bricos, tu vois y a pas que sur ce forum... mais je vous accorde qu'il est bien plus sympa que des tas d' autres !
Amicalement JL
Nostalgie, quand tu nous tiens...
Mais le "J'erre, minable", lui, est inédit dans sa seconde partie. Tu verras ça bientôt, Bertrand!
Je vais déjà essayer de vous mettre de la nouveauté dans çui-là -jusque là j'ai seulement réussi à changer le Spotmatic en SRT 101, ce qui reste très loin des variantes des différentes versions des manuscrits de Flaubert (dans "l'Education" ; première version : "et il l'aimait tellement qu'il sortit" : version définitive : "et il l'aimait tellement qu'il se retira" ! hi hi hi !!!
_Ben non, bricos, tu vois y a pas que sur ce forum... mais je vous accorde qu'il est bien plus sympa que des tas d' autres !
Amicalement JL
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Chapitre second
Comment Candide fut élevé au contact des belles choses
et dans l’ignorance des vilaines
Fin lettré, Bob avait bien perçu les points communs entre la situation du père de Jean Jacques Rousseau et la sienne, mais il n’eut pas la faiblesse de s’écrier, comme l’autre : « Hélas, rends la-moi… » épargnant à Candide d’entrer dans l’existence en traînant l’un des plus beaux complexes de culpabilité que Sigmund Freud eût jamais imaginé …Il décida, au contraire, qu’il avait droit au bonheur, cet enfant né si tragiquement par la faute d’une société capitaliste incapable d’éclairer les esprits et les routes de campagne ! Il appliqua donc envers lui, les principes pédagogiques de l’Emile très librement revus et corrigés : Candide ne serait pas tenu loin des livres, cette promesse de bonheur, mais on les choisirait pour lui donner du monde une vision heureuse. Surtout, son enfance se passerait sous le signe éclatant de la poésie, Racine, Baudelaire, Brassens étant mis, tour à tour à contribution. Il apprendrait, bien évidemment, les échecs, sans lesquels l’existence vaut à peine d’être vécue, mais pas la photo, à laquelle Bob avait renoncé dès l’émergence du numérique : Cette technologie, vendue aux trusts américains, ne lui disait rien qui vaille et il retrouvait les accents de maître Cornille, le meunier des Lettres de mon moulin, pour vanter les mérites du labo traditionnnel fleurant bon l’hyposulfite et l’hydrogène sulfuré des virages sépia : Le numérique, c’était le cheval de Troie des fonds de pension américains s’apprêtant à plumer le chapon de Bresse du Travailleur hexagonal ! Pour sa part, il ne cèderait jamais à ses sirènes siliconées et même son indéfectible amitié envers CMG en avait pâti depuis que « Traqueur de Dîmage » avait sorti un article jugé complaisant envers la technologie abhorrée. Candide s’initierait au dessin sur du papier Canson traditionnel, une marque bien de chez nous, recommandée par José Bové en personne ! Jusqu’à sa seizième année, toutes les laideurs du monde lui seraient épargnées car il serait coupé de tous les médias : télévision abêtissante, radios frivoles, presse écrite aux ordres du grand capital et prête à vendre son âme pour un plat de lentilles au Fouquet's, un soir d'élections !
Bob offrait à Candide seize ans de bonheur, seize ans sur lesquels la propagande de la Société de Consommation n’aurait pas prise ! Toujours ça que les Bourgeois n’auraient pas!
Ce séduisant programme fut respecté à la lettre et Candide arriva vers l’anniversaire fatidique féru de Brassens et de Baudelaire, connaissant parfaitement les finales de tours mais ignorant tout de la cruauté du monde. Bob, prévoyant qu’il lui faudrait, un jour, partir affronter la vie lui avait pourtant enseigné l’anglais à partir des tubes de Dylan et de l’intégrale des Beatles.
(Ă suivre)
Comment Candide fut élevé au contact des belles choses
et dans l’ignorance des vilaines
Fin lettré, Bob avait bien perçu les points communs entre la situation du père de Jean Jacques Rousseau et la sienne, mais il n’eut pas la faiblesse de s’écrier, comme l’autre : « Hélas, rends la-moi… » épargnant à Candide d’entrer dans l’existence en traînant l’un des plus beaux complexes de culpabilité que Sigmund Freud eût jamais imaginé …Il décida, au contraire, qu’il avait droit au bonheur, cet enfant né si tragiquement par la faute d’une société capitaliste incapable d’éclairer les esprits et les routes de campagne ! Il appliqua donc envers lui, les principes pédagogiques de l’Emile très librement revus et corrigés : Candide ne serait pas tenu loin des livres, cette promesse de bonheur, mais on les choisirait pour lui donner du monde une vision heureuse. Surtout, son enfance se passerait sous le signe éclatant de la poésie, Racine, Baudelaire, Brassens étant mis, tour à tour à contribution. Il apprendrait, bien évidemment, les échecs, sans lesquels l’existence vaut à peine d’être vécue, mais pas la photo, à laquelle Bob avait renoncé dès l’émergence du numérique : Cette technologie, vendue aux trusts américains, ne lui disait rien qui vaille et il retrouvait les accents de maître Cornille, le meunier des Lettres de mon moulin, pour vanter les mérites du labo traditionnnel fleurant bon l’hyposulfite et l’hydrogène sulfuré des virages sépia : Le numérique, c’était le cheval de Troie des fonds de pension américains s’apprêtant à plumer le chapon de Bresse du Travailleur hexagonal ! Pour sa part, il ne cèderait jamais à ses sirènes siliconées et même son indéfectible amitié envers CMG en avait pâti depuis que « Traqueur de Dîmage » avait sorti un article jugé complaisant envers la technologie abhorrée. Candide s’initierait au dessin sur du papier Canson traditionnel, une marque bien de chez nous, recommandée par José Bové en personne ! Jusqu’à sa seizième année, toutes les laideurs du monde lui seraient épargnées car il serait coupé de tous les médias : télévision abêtissante, radios frivoles, presse écrite aux ordres du grand capital et prête à vendre son âme pour un plat de lentilles au Fouquet's, un soir d'élections !
Bob offrait à Candide seize ans de bonheur, seize ans sur lesquels la propagande de la Société de Consommation n’aurait pas prise ! Toujours ça que les Bourgeois n’auraient pas!
Ce séduisant programme fut respecté à la lettre et Candide arriva vers l’anniversaire fatidique féru de Brassens et de Baudelaire, connaissant parfaitement les finales de tours mais ignorant tout de la cruauté du monde. Bob, prévoyant qu’il lui faudrait, un jour, partir affronter la vie lui avait pourtant enseigné l’anglais à partir des tubes de Dylan et de l’intégrale des Beatles.
(Ă suivre)
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Chapitre troisième
Comment Bob trouva une finale gagnante et une fin tragique
et comment Candide trouva l’Amour
Un soir glacial d’hiver, tous deux se promenaient au bord de la rivière à demi prise sous la glace, Bob était appuyé au parapet du vieux pont de bois vermoulu, son échiquier de poche à la main, plongé dans la fameuse partie jouée en 1956 par Fisher âgé de 13 ans contre Robert Byrne, alors champion des Etats-Unis. Soudain, Candide le vit frémir, suffoquer « Candide, mon petit, c’est inouï, insensé, fabuleux ! Sais-tu ce que je viens de découvrir ? Byrne n’était pas obligé d’accepter le sacrifice de cavalier sur a4 ! Il pouvait contre-sacrifier sur e5, garder sa paire de fous et entrer dans une finale gagnante ! Et dire que personne n’a vu cette suite! » Il pâlit soudain affreusement : « Mais, nom d’un pétard ! c’est donc que le sacrifice de Bobby était faux ! » Ainsi, l’impensable s’était produit : « The King of Brooklyn » avait mal calculé une variante et, si Byrne avait trouvé la suite gagnante ce jour-là , plus rien n’aurait baigné pour Bobby ! A cette pensée qui faisait redescendre son dieu au rang des simples mortels, Bob pâlit affreusement, porta la main à sa poitrine, eut un hoquet, lança vers Candide un regard désespéré et bascula par-dessus la rambarde dans les flots glacés. Candide était resté interdit, trop occupé à calculer mentalement si le contre-sacrifice sur e5 était bon, et, quand il se précipita au secours de Bob, ce dernier avait disparu depuis longtemps dans les flots tumultueux. » Hélas, s’écria Candide, voici que j’ai perdu en un moment mon maître, mon dieu et toute confiance dans les sacrifices spéculatifs ! Qu’est-ce que ce monde ! » Et, en sanglotant, il gagna le poste de secours situé à dix kilomètres.
Il y parvint, épuisé, et raconta sa tragédie à un capitaine de gendarmerie moustachu et bedonnant plutôt enclin à considérer la fin accidentelle d’un ex baba-cool soixante-huitard comme un événement providentiel. A la demande de lancer sur le champ des recherches, l’autre s’exclama: « J’y risquerais inutilement des vies : Le Cernon, en hiver, ne rend pas les hommes ; faites brûler des cierges ou des pétards, si vous le préférez, pour le salut de son âme et tâchez de l’oublier, jeune homme ! » Candide, désemparé, restait bouche bée, ne trouvant rien à répondre, tout bouleversé qu’il était ; il se disposait à sortir lorsque la porte s’ouvrit et qu’il La vit : Ce fut comme une apparition ; d’emblée, il L’avait reconnue : Elle était la "jolie fleur" de Brassens, la "Matilde" de Brel, la "Passante" croisée, le temps d’un regard, dans le poème de Baudelaire et, par dessus tout, la mystérieuse passagère de « la ville de Montereau » s’offrant aux regards de Frédéric ! Elle avait son teint hâlé, ses cheveux très sombres et des yeux immenses dont il ne pouvait se détacher ; elle était tout ce qu’il avait confusément attendu et espéré, et lui, comprenant vaguement que sa vie basculait une fois encore ce jour-là , restait stupide, abasourdi par la révélation qu’il pût y avoir dans l’existence des promesses de bonheur encore plus sûres que les finales de tours ! Elle, cependant, le regardait en souriant doucement, tandis qu’elle parlait au capitaine de gendarmerie avec un léger accent qui ajoutait encore à son charme et que l’autre lui expliquait que ce faignant de Bob, ce mauvais coucheur qui avait fait tant de pétards dans la commune, avait enfin rejoint le pays de la neige éternelle, ce qui lui conviendrait parfaitement, que ce qui n’était certes pas
une grande perte pour la collectivité, mais que c’était elle, Lizzie, stagiaire étrangère auprès du Samu, qui allait devoir, en cette qualité, s’occuper de ce garçon visiblement en état de choc ou de manque, c’était selon, parce que lui-même avait d’autres chats à fouetter !
Lizzie fit donc raconter son enfance à Candide et il lui parla sans trop savoir ce qu’il disait, occupé seulement à la contempler amoureusement ; il lui sembla pourtant que la jeune fille fronçait les sourcils, qu’elle avait ravissants, quand elle apprit que Bob n’avait pas scolarisé Candide et il la vit enfin décroiser ses admirables jambes pour se lever et aller s’entretenir discrètement avec le capitaine ; tous deux parlèrent longtemps à voix basse mais Candide savait bien qu’il était question de lui ; enfin Lizzie revint à lui et lui dit à demi-voix, le regardant au fond des yeux : « Ne t’inquiète pas, petit français, on va s’occuper de toi, maintenant que ton Bob n’est plus là et peut-être que c’est même ce qui pouvait t’arriver de mieux, tu sais ! Ce n’est pas une vie que tu menais là : il faut que tu apprennes à vivre en société ! »
Que vont-ils faire de moi ? demanda Candide, qui était prêt à tout vivre pourvu que ce fût à ses côtés.
« D’abord, il faut que tu sois scolarisé, expliquait Lizzie, et, dès demain, on te fera passer des tests de niveau pour mesurer ta culture générale ; ensuite, on t’orientera, d’après les résultats ».
« Mais je ne veux pas être orienté, s’écria Candide tout désorienté, je veux rester près de vous, et rien d’autre ! »
« Ho, mon petit français, que tu es gentil et que j’aimerais pouvoir m’occuper de toi, mais ce n’est pas possible, you see, je rentre bientôt à Washington, mon stage ici se termine, mais je ne t’oublierai jamais ! Tu sais, je vais te faire une confidence : moi aussi, je n’ai plus de mère et je ne vois jamais mon père qui est toujours en voyage, à ce qu’on me dit, alors, je peux te comprendre ! Nous sommes un peu comme deux orphelins, mais nous ne serons plus jamais seuls, maintenant, mon petit frère de souffrance. »
Et elle serra Candide contre son sein, ce qui procura aussitĂ´t au jeune homme un soulagement extrĂŞme !
Candide frémissait à la pensée d’être séparé de Lizzie, mais il cacha sa peine comme il le put et se laissa persuader par le capitaine de partir en centre de convalescence pour se remettre. Les adieux entre les deux jeunes gens furent déchirants, mais Lizzie promit qu’elle serait là quand il sortirait du centre et qu’ils partiraient ensemble pour l’Amérique.
Il se laissa alors mener à l’hôpital de Millau où l’on décida de lui appliquer une cure de sommeil de dix jours, un minimum après le traumatisme qu’il venait de vivre. A son réveil, il demanda où était Lizzie et on lui apprit qu’elle était repartie pour Washington en toute hâte, sans même attendre qu’on lui eût payé ses pauvres indemnités.
Il décida aussitôt de l’y rejoindre.
Comment Bob trouva une finale gagnante et une fin tragique
et comment Candide trouva l’Amour
Un soir glacial d’hiver, tous deux se promenaient au bord de la rivière à demi prise sous la glace, Bob était appuyé au parapet du vieux pont de bois vermoulu, son échiquier de poche à la main, plongé dans la fameuse partie jouée en 1956 par Fisher âgé de 13 ans contre Robert Byrne, alors champion des Etats-Unis. Soudain, Candide le vit frémir, suffoquer « Candide, mon petit, c’est inouï, insensé, fabuleux ! Sais-tu ce que je viens de découvrir ? Byrne n’était pas obligé d’accepter le sacrifice de cavalier sur a4 ! Il pouvait contre-sacrifier sur e5, garder sa paire de fous et entrer dans une finale gagnante ! Et dire que personne n’a vu cette suite! » Il pâlit soudain affreusement : « Mais, nom d’un pétard ! c’est donc que le sacrifice de Bobby était faux ! » Ainsi, l’impensable s’était produit : « The King of Brooklyn » avait mal calculé une variante et, si Byrne avait trouvé la suite gagnante ce jour-là , plus rien n’aurait baigné pour Bobby ! A cette pensée qui faisait redescendre son dieu au rang des simples mortels, Bob pâlit affreusement, porta la main à sa poitrine, eut un hoquet, lança vers Candide un regard désespéré et bascula par-dessus la rambarde dans les flots glacés. Candide était resté interdit, trop occupé à calculer mentalement si le contre-sacrifice sur e5 était bon, et, quand il se précipita au secours de Bob, ce dernier avait disparu depuis longtemps dans les flots tumultueux. » Hélas, s’écria Candide, voici que j’ai perdu en un moment mon maître, mon dieu et toute confiance dans les sacrifices spéculatifs ! Qu’est-ce que ce monde ! » Et, en sanglotant, il gagna le poste de secours situé à dix kilomètres.
Il y parvint, épuisé, et raconta sa tragédie à un capitaine de gendarmerie moustachu et bedonnant plutôt enclin à considérer la fin accidentelle d’un ex baba-cool soixante-huitard comme un événement providentiel. A la demande de lancer sur le champ des recherches, l’autre s’exclama: « J’y risquerais inutilement des vies : Le Cernon, en hiver, ne rend pas les hommes ; faites brûler des cierges ou des pétards, si vous le préférez, pour le salut de son âme et tâchez de l’oublier, jeune homme ! » Candide, désemparé, restait bouche bée, ne trouvant rien à répondre, tout bouleversé qu’il était ; il se disposait à sortir lorsque la porte s’ouvrit et qu’il La vit : Ce fut comme une apparition ; d’emblée, il L’avait reconnue : Elle était la "jolie fleur" de Brassens, la "Matilde" de Brel, la "Passante" croisée, le temps d’un regard, dans le poème de Baudelaire et, par dessus tout, la mystérieuse passagère de « la ville de Montereau » s’offrant aux regards de Frédéric ! Elle avait son teint hâlé, ses cheveux très sombres et des yeux immenses dont il ne pouvait se détacher ; elle était tout ce qu’il avait confusément attendu et espéré, et lui, comprenant vaguement que sa vie basculait une fois encore ce jour-là , restait stupide, abasourdi par la révélation qu’il pût y avoir dans l’existence des promesses de bonheur encore plus sûres que les finales de tours ! Elle, cependant, le regardait en souriant doucement, tandis qu’elle parlait au capitaine de gendarmerie avec un léger accent qui ajoutait encore à son charme et que l’autre lui expliquait que ce faignant de Bob, ce mauvais coucheur qui avait fait tant de pétards dans la commune, avait enfin rejoint le pays de la neige éternelle, ce qui lui conviendrait parfaitement, que ce qui n’était certes pas
une grande perte pour la collectivité, mais que c’était elle, Lizzie, stagiaire étrangère auprès du Samu, qui allait devoir, en cette qualité, s’occuper de ce garçon visiblement en état de choc ou de manque, c’était selon, parce que lui-même avait d’autres chats à fouetter !
Lizzie fit donc raconter son enfance à Candide et il lui parla sans trop savoir ce qu’il disait, occupé seulement à la contempler amoureusement ; il lui sembla pourtant que la jeune fille fronçait les sourcils, qu’elle avait ravissants, quand elle apprit que Bob n’avait pas scolarisé Candide et il la vit enfin décroiser ses admirables jambes pour se lever et aller s’entretenir discrètement avec le capitaine ; tous deux parlèrent longtemps à voix basse mais Candide savait bien qu’il était question de lui ; enfin Lizzie revint à lui et lui dit à demi-voix, le regardant au fond des yeux : « Ne t’inquiète pas, petit français, on va s’occuper de toi, maintenant que ton Bob n’est plus là et peut-être que c’est même ce qui pouvait t’arriver de mieux, tu sais ! Ce n’est pas une vie que tu menais là : il faut que tu apprennes à vivre en société ! »
Que vont-ils faire de moi ? demanda Candide, qui était prêt à tout vivre pourvu que ce fût à ses côtés.
« D’abord, il faut que tu sois scolarisé, expliquait Lizzie, et, dès demain, on te fera passer des tests de niveau pour mesurer ta culture générale ; ensuite, on t’orientera, d’après les résultats ».
« Mais je ne veux pas être orienté, s’écria Candide tout désorienté, je veux rester près de vous, et rien d’autre ! »
« Ho, mon petit français, que tu es gentil et que j’aimerais pouvoir m’occuper de toi, mais ce n’est pas possible, you see, je rentre bientôt à Washington, mon stage ici se termine, mais je ne t’oublierai jamais ! Tu sais, je vais te faire une confidence : moi aussi, je n’ai plus de mère et je ne vois jamais mon père qui est toujours en voyage, à ce qu’on me dit, alors, je peux te comprendre ! Nous sommes un peu comme deux orphelins, mais nous ne serons plus jamais seuls, maintenant, mon petit frère de souffrance. »
Et elle serra Candide contre son sein, ce qui procura aussitĂ´t au jeune homme un soulagement extrĂŞme !
Candide frémissait à la pensée d’être séparé de Lizzie, mais il cacha sa peine comme il le put et se laissa persuader par le capitaine de partir en centre de convalescence pour se remettre. Les adieux entre les deux jeunes gens furent déchirants, mais Lizzie promit qu’elle serait là quand il sortirait du centre et qu’ils partiraient ensemble pour l’Amérique.
Il se laissa alors mener à l’hôpital de Millau où l’on décida de lui appliquer une cure de sommeil de dix jours, un minimum après le traumatisme qu’il venait de vivre. A son réveil, il demanda où était Lizzie et on lui apprit qu’elle était repartie pour Washington en toute hâte, sans même attendre qu’on lui eût payé ses pauvres indemnités.
Il décida aussitôt de l’y rejoindre.
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
Bertrand T - Messages : 2146
- Photos : 30
- Inscription : 24 Mars 2007
- Localisation : La Haye
La tension et l'attention montent. Le lecteur, comme happé par un sacrifice qu'il ne peut refuser sous peine de retrouver la tête du cavalier dans ses draps
euh, bref, le lecteur, pris dans l'inextricable entrelacs des références croisées, sue à grosse gouttes dans l'attente du prochain épisode et un point final arrive pour me délivrer des détours de cette phrase, le voici. C'est le point final, détours !
(Pas trop vite quand même, les épisodes, il faut le temps de les déguster un par un en mastiquant lentement pour en extraire la moelle.)

(Pas trop vite quand même, les épisodes, il faut le temps de les déguster un par un en mastiquant lentement pour en extraire la moelle.)
Dernière édition par Bertrand T le Sam 31 Mai 2008 12:36, édité 1 fois.
CLE, Hexar RF de 12 à 90 mm • Alpha, Dynax de 8 à 500 mm… et d'autres systèmes
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
T'as raison Bertrand : On va prendre un rythme de croisière plus raisonnable : un chapitre tous les deux jours (ça "donne du temps au temps" pour les critiques, prises de bec, suggestions, insultes, ...)
Ca nous fera finir fin juin, quand s'ouvre l'oral du bac. (me demande si "s'ouvrir" ne s'emploie pas exclusivement pour l'ouverture de la chasse, activité très différente de l'oral d' EAF... encore que...)
A ce propos, je ne saurais trop conseiller aux petits djeunes qui traîneraient par ici, avec, naturellement, Candide dans leurs listes de français, d'être attentifs à ne pas se mélanger les pinceaux en confondant avec l'original : sortir à l'examinateur médusé que le père de Candide était un baba cool soixante-huitard peut être lourd de conséquences !
On vous aura prévenus!
Au fait, c'était qui, le père de Candide ?
Vous voyez bien que vous devriez être en train de réviser vos classiques au lieu de perdre du temps à lire des foutaises sur internet! tsss!!! ah, nous, avant 68, on avait le respect et l'amour du travail!!! C'est vrai, kwâââ!
Tu sais quoi, Bertrand ? Je t'avais dit, dans un fil antérieur (sermon sur la mort de Minolta) que tu avais commis un vers faux alors qu'il était parfaitement correct !
Pourras- tu jamais me pardonner? Et pourquoi que tu ne me l'as pas fait remarquer, aussi ?
T'as remarqué au moins que j'ai introduit la soirée au Fouquet's dans le chapitre précédent ?
Faut actualiser ! Vais esayer d' ajouter tout un chapitre si j'ai un moment, mais faut que ça se fonde dans l'ensemble, bien sûr!
A +, le(s) lecteur(s)
Juste une c...erie :
Ca va fumer pour le lecteur happé : ce sera le calumet de l' happé!
désolé! suis sorti!
Ca nous fera finir fin juin, quand s'ouvre l'oral du bac. (me demande si "s'ouvrir" ne s'emploie pas exclusivement pour l'ouverture de la chasse, activité très différente de l'oral d' EAF... encore que...)
A ce propos, je ne saurais trop conseiller aux petits djeunes qui traîneraient par ici, avec, naturellement, Candide dans leurs listes de français, d'être attentifs à ne pas se mélanger les pinceaux en confondant avec l'original : sortir à l'examinateur médusé que le père de Candide était un baba cool soixante-huitard peut être lourd de conséquences !
On vous aura prévenus!
Au fait, c'était qui, le père de Candide ?
Vous voyez bien que vous devriez être en train de réviser vos classiques au lieu de perdre du temps à lire des foutaises sur internet! tsss!!! ah, nous, avant 68, on avait le respect et l'amour du travail!!! C'est vrai, kwâââ!
Tu sais quoi, Bertrand ? Je t'avais dit, dans un fil antérieur (sermon sur la mort de Minolta) que tu avais commis un vers faux alors qu'il était parfaitement correct !
Pourras- tu jamais me pardonner? Et pourquoi que tu ne me l'as pas fait remarquer, aussi ?
T'as remarqué au moins que j'ai introduit la soirée au Fouquet's dans le chapitre précédent ?
Faut actualiser ! Vais esayer d' ajouter tout un chapitre si j'ai un moment, mais faut que ça se fonde dans l'ensemble, bien sûr!
A +, le(s) lecteur(s)
Juste une c...erie :
Ca va fumer pour le lecteur happé : ce sera le calumet de l' happé!
désolé! suis sorti!
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
Bertrand T - Messages : 2146
- Photos : 30
- Inscription : 24 Mars 2007
- Localisation : La Haye
En qualité de scientifique légèrement empêtré dans le comptage des pieds, j'avais fait confiance au maître
Pas comme en maths spé, quand j'avais interrompu l'excellent M. R., professeur de physique et chimie de son état, en pleine introduction à l'analyse vectorielle pour lui demander si ce n'était pas 1/r.sin? plutôt que 1/sin? dans la formule de la divergence en coordonnées cylindriques.
Simple affaire de dimensions… Il avait regardé ses papiers, bafouillé que oui, en effet et cela illustre bien l'intérêt de toujours vérifier les dimensions, n'est-ce pas, et s'était remis de plus belle à assommer la classe (à ce stade, un peu plus de trente paires d'yeux éberlués
) sous des formules délicieusement absconses. Le rotationnel en coordonnées sphériques fait toujours son petit effet, mais j'avais légèrement volé la vedette.
Enfin, si tu tiens vraiment Ă ce que ce soit impardonnable, je peux envisager de faire un effort.
J'ai vu le Fouquet's, et je guette les nouvelles révisions. Un chapitre entier ? Miam ! J'ai aussi révisé mon message précédent pour y ajouter un calembour épouvantable et capillotracté dans le style de Michel Pagel, je pense que tu apprécieras.

Pas comme en maths spé, quand j'avais interrompu l'excellent M. R., professeur de physique et chimie de son état, en pleine introduction à l'analyse vectorielle pour lui demander si ce n'était pas 1/r.sin? plutôt que 1/sin? dans la formule de la divergence en coordonnées cylindriques.


Enfin, si tu tiens vraiment Ă ce que ce soit impardonnable, je peux envisager de faire un effort.

J'ai vu le Fouquet's, et je guette les nouvelles révisions. Un chapitre entier ? Miam ! J'ai aussi révisé mon message précédent pour y ajouter un calembour épouvantable et capillotracté dans le style de Michel Pagel, je pense que tu apprécieras.

CLE, Hexar RF de 12 à 90 mm • Alpha, Dynax de 8 à 500 mm… et d'autres systèmes
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Hou là la, les coordonnées cylindriques, très peu pour moi !
Me souviens d'avoir sué come un malade au bac maths sur un exo : soit un cylindre de rayon r et une sphère, centrée sur l'axe du cylindre, de rayon R supérieur à r. Calculez le volume de la sphère extérieur au cylindre!
Suivait un problo pourri avec un calcul d'aire sur une cardioide droite qui n'était même pas au programme¨!
Le mec qui avait donné ça méritait une paire de calottes (sphériques)
Bilan : j'ai fait Lettres et, depuis ce temps, je souffre de sinusite chronique. Dingue, ça!
V Hugo, lui-même, dit avoir eu quelques problèmes relationnels sérieux avec les maths:
on le crucifait sur le chevalet des X et des Y ou un truc dans le genre (ContemplationsĂ
Faut que je retrouve; c'était pas mal vu.
Pour le ch inédit, chose promise, chose due !
Tiens, j'ai malmené du Ronsard,ce week-end :
"Mignonne, allons vois si l'arthrose
Et ses promesses d'ankylose
Voudront bien se mettre en sommeil
Et laisser mon âme charmée
Des plis d'une robe pourprée
Abandonnée dans le soleil..."
Et tout ça...
Me souviens d'avoir sué come un malade au bac maths sur un exo : soit un cylindre de rayon r et une sphère, centrée sur l'axe du cylindre, de rayon R supérieur à r. Calculez le volume de la sphère extérieur au cylindre!
Suivait un problo pourri avec un calcul d'aire sur une cardioide droite qui n'était même pas au programme¨!
Le mec qui avait donné ça méritait une paire de calottes (sphériques)
Bilan : j'ai fait Lettres et, depuis ce temps, je souffre de sinusite chronique. Dingue, ça!
V Hugo, lui-même, dit avoir eu quelques problèmes relationnels sérieux avec les maths:
on le crucifait sur le chevalet des X et des Y ou un truc dans le genre (ContemplationsĂ
Faut que je retrouve; c'était pas mal vu.
Pour le ch inédit, chose promise, chose due !
Tiens, j'ai malmené du Ronsard,ce week-end :
"Mignonne, allons vois si l'arthrose
Et ses promesses d'ankylose
Voudront bien se mettre en sommeil
Et laisser mon âme charmée
Des plis d'une robe pourprée
Abandonnée dans le soleil..."
Et tout ça...
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Chapitre quatrième
Comment Candide partit pour retrouver Melle Lizzie
et comment il prit l’avion pour y être battu.
Il y avait dix jours déjà que Bob avait disparu, et Candide cheminait tristement sous la pluie, tout songeur. Il croyait encore entendre son ami et son maître répétant « tout baigne ! » sa formule favorite, une phrase qu’il avait toujours en réserve pour quelque événement heureux : une belle pêche aux écrevisses, une grosse récolte de truffes qui paieraient le vin de tout l’hiver ou la visite de Madame Olga, compatriote de son voisin le Viking, venant, chaque semaine, prendre sa leçon de langue française avec tant d’assiduité que, ces jours-là , Bob envoyait toujours Candide fendre du bois pour qu’elle pût mieux profiter de son enseignement. Que tout cela était loin à présent ! Et seule la pensée de Melle Lizzie lui redonnait espoir. Il s’était promis de la retrouver et de vivre toujours prés d’elle, dans un amour éternel. Se rappelant l’avoir entendue dire qu’elle venait de Virginie, c’est là qu’il avait d’emblée décidé de porter ses pas. L’Amitié étant morte, c’est l’Amour qu’il fallait suivre! Il gagna Orly en auto - stop, sa bonne mine le servant bien, mais tout l’argent de la truffe ne suffit pas à payer son billet et Candide, au bord des larmes, songeait à gagner un port et à s’embarquer clandestinement dans quelque paquebot pour retrouver sa bien aimée ou à s’y rendre à la nage, s’il le fallait, lorsqu’un homme de belle figure, au vêtement sombre et au col montant, lui vint en aide :
« C’est l’Esprit saint qui a permis notre rencontre : Vous cherchez à vous rendre en Virginie, je suis pasteur dans cette vigne et je paierai votre voyage. N’est-il pas écrit : « Tout ce que tu auras fait au plus humble de tes frères, c’est à Moi que tu l’auras fait et cela te sera compté… »_
Vous avez raison, dit Candide, et je vois bien que « tout baigne »
Le voyage commençait au mieux, le bon pasteur avait installé Candide près du hublot pour qu’il vît mieux s’éloigner la terre. Emerveillé, notre larzacien fut bientôt dans les nuages, le Bordeaux rouge aidant, servi par une hôtesse qui rappelait quelque peu Melle Lizzie, quand un passager de teint très mat et les cheveux crépus se leva devant lui, se dirigeant vers l’avant de l’appareil. Il n’eut pas fait deux pas que l’on se jetait sur lui, qu’on le rouait de coups, qu’il avait une arme sur la tempe et qu’on lui ôtait ses chaussures pour en déchirer les semelles, comme pris d’un accès de rage.
« Hélas ! S’indigna Candide, voici qu’on agresse ce pauvre homme pour le dépouiller, je dois voler à son aide ! »
Et, sans se soucier de ce que lui criait son bienfaiteur, il tenta de secourir son semblable dans l’épreuve. « Attention, il a un complice! » eut-il à peine le temps d’entendre que déjà , on se précipitait sur lui pour lui faire un mauvais sort. Il fallut que le bon pasteur intervînt et qu’on vît la croix qu’il portait sur son habit pour qu’on relâchât Candide qui ne perdit que deux dents dans l’affaire. Si tout baignait pour lui, le passager au teint mat, pour sa part, baignait dans son sang, et Candide, tout étonné, le contemplait avec stupéfaction quand le pasteur lui murmura très tendrement, en pansant ses plaies :
« Cher enfant, comme il est vrai le mot de l’Ecriture : l’Esprit est fort, mais la chair est faible, votre beau visage tout tuméfié le prouve assez ! Hélas, ils vous auraient écharpé ! C’est qu’ils ont encore à l’esprit ces terribles attentats de l’an dernier ! »
Et il lui raconta comment des forcenés, s’étant rendus maîtres de plusieurs avions, les avaient projetés contre des tours et des bureaux, pour tuer le plus grand nombre possible de leurs semblables, au nom d’Allah le miséricordieux.
« Quoi, une telle monstruosité ! s’écria Candide Et pourquoi cela, s’il vous plaît ?
« C’est, répondit l’autre, que l’esprit du Mal habite perpétuellement le cœur de l’homme et qu’il ne se plaît qu’à détruire et à tuer, si le divin message du Christ n’est entendu de lui » _ « Hélas, soupira Candide, qu’aurait dit Bob devant une telle folie ! » Et il pleurait toutes les larmes de son corps.
Le passager au teint mat ouvrit alors un œil mourant – on l’avait libéré, après s’être rendu compte qu’il ne portait pas d’arme et qu’il voulait seulement satisfaire un de ces besoins pressants que la nature nous impose.
« Mon nom est Cacambo, l’entendit murmurer Candide, et je vous bénis de ce que vous avez fait pour moi. Je n’avais été agressé que trois fois cette semaine : une telle chance ne pouvait pas durer ; il n’est pas facile de voyager, de nos jours, quand on a le teint mat, mais j’entends à votre accent que vous êtes français ; prenez ma carte dans ma poche de veston, et promettez-moi de m’appeler, durant votre séjour aux Etats-Unis ; j’habite une maison modeste de la banlieue de Washington, mais mon logis vous sera toujours ouvert. A présent, veuillez m’excuser, mais je crois bien que je vais devoir m’évanouir un peu ! »
A peine Candide, encore tout tremblant, eut-il regagné son siège qu’une autre hôtesse prénommée Pâquette, son badge en témoignait, vint se pencher sur lui, tendant un formulaire. Candide le vit à peine, trop occupé à scruter le tailleur de la jeune femme qui contenait non sans peine une aimable poitrine, peut-être plus modeste que celle de Melle Lizzie, mais tout aussi captivante !
Reprenant difficilement ses esprits, il lut enfin qu’il devait s’engager, par écrit, à ne pas assassiner le président des Etats-Unis ! Candide, qui était la bonté même, y consentit bien volontiers : il ne l’avait jamais vu et n’avait rien contre lui ! Bien sûr, en sortant d’un repas bien arrosé, Bob se lançait parfois dans des diatribes enflammées contre les gouvernants, citait « Le Contrat Social » de Rousseau, ou célébrait l’anarchie en gueulant à tue tête « la Butte rouge » et d’autres refrains de la Commune, mais son élève, d’un tempérament paisible, ne le suivait guère dans cette voie et ne s’indignait que pour la forme.
Comment Candide partit pour retrouver Melle Lizzie
et comment il prit l’avion pour y être battu.
Il y avait dix jours déjà que Bob avait disparu, et Candide cheminait tristement sous la pluie, tout songeur. Il croyait encore entendre son ami et son maître répétant « tout baigne ! » sa formule favorite, une phrase qu’il avait toujours en réserve pour quelque événement heureux : une belle pêche aux écrevisses, une grosse récolte de truffes qui paieraient le vin de tout l’hiver ou la visite de Madame Olga, compatriote de son voisin le Viking, venant, chaque semaine, prendre sa leçon de langue française avec tant d’assiduité que, ces jours-là , Bob envoyait toujours Candide fendre du bois pour qu’elle pût mieux profiter de son enseignement. Que tout cela était loin à présent ! Et seule la pensée de Melle Lizzie lui redonnait espoir. Il s’était promis de la retrouver et de vivre toujours prés d’elle, dans un amour éternel. Se rappelant l’avoir entendue dire qu’elle venait de Virginie, c’est là qu’il avait d’emblée décidé de porter ses pas. L’Amitié étant morte, c’est l’Amour qu’il fallait suivre! Il gagna Orly en auto - stop, sa bonne mine le servant bien, mais tout l’argent de la truffe ne suffit pas à payer son billet et Candide, au bord des larmes, songeait à gagner un port et à s’embarquer clandestinement dans quelque paquebot pour retrouver sa bien aimée ou à s’y rendre à la nage, s’il le fallait, lorsqu’un homme de belle figure, au vêtement sombre et au col montant, lui vint en aide :
« C’est l’Esprit saint qui a permis notre rencontre : Vous cherchez à vous rendre en Virginie, je suis pasteur dans cette vigne et je paierai votre voyage. N’est-il pas écrit : « Tout ce que tu auras fait au plus humble de tes frères, c’est à Moi que tu l’auras fait et cela te sera compté… »_
Vous avez raison, dit Candide, et je vois bien que « tout baigne »
Le voyage commençait au mieux, le bon pasteur avait installé Candide près du hublot pour qu’il vît mieux s’éloigner la terre. Emerveillé, notre larzacien fut bientôt dans les nuages, le Bordeaux rouge aidant, servi par une hôtesse qui rappelait quelque peu Melle Lizzie, quand un passager de teint très mat et les cheveux crépus se leva devant lui, se dirigeant vers l’avant de l’appareil. Il n’eut pas fait deux pas que l’on se jetait sur lui, qu’on le rouait de coups, qu’il avait une arme sur la tempe et qu’on lui ôtait ses chaussures pour en déchirer les semelles, comme pris d’un accès de rage.
« Hélas ! S’indigna Candide, voici qu’on agresse ce pauvre homme pour le dépouiller, je dois voler à son aide ! »
Et, sans se soucier de ce que lui criait son bienfaiteur, il tenta de secourir son semblable dans l’épreuve. « Attention, il a un complice! » eut-il à peine le temps d’entendre que déjà , on se précipitait sur lui pour lui faire un mauvais sort. Il fallut que le bon pasteur intervînt et qu’on vît la croix qu’il portait sur son habit pour qu’on relâchât Candide qui ne perdit que deux dents dans l’affaire. Si tout baignait pour lui, le passager au teint mat, pour sa part, baignait dans son sang, et Candide, tout étonné, le contemplait avec stupéfaction quand le pasteur lui murmura très tendrement, en pansant ses plaies :
« Cher enfant, comme il est vrai le mot de l’Ecriture : l’Esprit est fort, mais la chair est faible, votre beau visage tout tuméfié le prouve assez ! Hélas, ils vous auraient écharpé ! C’est qu’ils ont encore à l’esprit ces terribles attentats de l’an dernier ! »
Et il lui raconta comment des forcenés, s’étant rendus maîtres de plusieurs avions, les avaient projetés contre des tours et des bureaux, pour tuer le plus grand nombre possible de leurs semblables, au nom d’Allah le miséricordieux.
« Quoi, une telle monstruosité ! s’écria Candide Et pourquoi cela, s’il vous plaît ?
« C’est, répondit l’autre, que l’esprit du Mal habite perpétuellement le cœur de l’homme et qu’il ne se plaît qu’à détruire et à tuer, si le divin message du Christ n’est entendu de lui » _ « Hélas, soupira Candide, qu’aurait dit Bob devant une telle folie ! » Et il pleurait toutes les larmes de son corps.
Le passager au teint mat ouvrit alors un œil mourant – on l’avait libéré, après s’être rendu compte qu’il ne portait pas d’arme et qu’il voulait seulement satisfaire un de ces besoins pressants que la nature nous impose.
« Mon nom est Cacambo, l’entendit murmurer Candide, et je vous bénis de ce que vous avez fait pour moi. Je n’avais été agressé que trois fois cette semaine : une telle chance ne pouvait pas durer ; il n’est pas facile de voyager, de nos jours, quand on a le teint mat, mais j’entends à votre accent que vous êtes français ; prenez ma carte dans ma poche de veston, et promettez-moi de m’appeler, durant votre séjour aux Etats-Unis ; j’habite une maison modeste de la banlieue de Washington, mais mon logis vous sera toujours ouvert. A présent, veuillez m’excuser, mais je crois bien que je vais devoir m’évanouir un peu ! »
A peine Candide, encore tout tremblant, eut-il regagné son siège qu’une autre hôtesse prénommée Pâquette, son badge en témoignait, vint se pencher sur lui, tendant un formulaire. Candide le vit à peine, trop occupé à scruter le tailleur de la jeune femme qui contenait non sans peine une aimable poitrine, peut-être plus modeste que celle de Melle Lizzie, mais tout aussi captivante !
Reprenant difficilement ses esprits, il lut enfin qu’il devait s’engager, par écrit, à ne pas assassiner le président des Etats-Unis ! Candide, qui était la bonté même, y consentit bien volontiers : il ne l’avait jamais vu et n’avait rien contre lui ! Bien sûr, en sortant d’un repas bien arrosé, Bob se lançait parfois dans des diatribes enflammées contre les gouvernants, citait « Le Contrat Social » de Rousseau, ou célébrait l’anarchie en gueulant à tue tête « la Butte rouge » et d’autres refrains de la Commune, mais son élève, d’un tempérament paisible, ne le suivait guère dans cette voie et ne s’indignait que pour la forme.
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Chapitre cinquième
Comment Candide vit la France rayonner Ă Washington
et comment le bon pasteur lui offrit l’hospitalité.
Déjà on arrivait à l’aéroport de Dulles et le bon pasteur s’occupait des formalités d’entrée de son protégé sur le territoire américain. Candide, pendant ce temps, s’intéressait à l’une des boutiques proposant la presse internationale. Au centre de l’étal, un postérieur sublime en quadrichromie s’offrait à ses regards et Candide rougit car la pensée lui était venue que ce pouvait bien être celui de Melle Lizzie. Ses yeux quittérent à regret ces formes fascinantes pour découvrir le titre du magazine et quelle ne fut sa surprise en s’apercevant que c’était « Traqueurs de Dîmage » ! Il faut savoir qu’après sa brouille avec CMG, Bob avait chargé le jeune homme de dégrafer des dizaines de vieux exemplaires de ce magazine afin d’allumer commodément sa cheminée avec ce périodique à fort tirage ! Et voilà qu’il retrouvait « Traqueur de Dîmage » à l’étranger, contribuant tout autant que le Beaujolais de Georges Duboeuf et les chansons de Leny Escudéro au rayonnement universel de la France ! Candide était ému aux larmes lorsque revint vers lui le pasteur qui le prit par l’épaule très tendrement et lui annonça que tout était réglé avant de lui offrit l’hospitalité à Washington en attendant qu’il eût retrouvé Melle Lizzie. Notre larzacien accepta très naturellement l’invitation à visiter la capitale des Etats-Unis, n’ayant aucune expérience des villes où Bob voyait le gouffre de l’espèce humaine depuis qu’on l’avait agressé et dépouillé, un soir de ribote, comme il traversait la grand place de Millaud où il venait de vendre des truffes !
Une limousine attendait au sortir de l’aéroport ; un chauffeur en livrée salua respectueusement le pasteur et son hôte et ils se dirigèrent vers la ville. Candide contemplait admiratif les larges avenues et les nobles immeubles bordant le Mall (c’est ainsi, lui expliqua-t-on, que se nommait cette partie de la capitale). La voiture s’arrêta enfin devant un magnifique portail qui s’ouvrit silencieusement devant eux et ils parcoururent quelques centaines de mètres dans un parc irréprochablement entretenu. La maison du bon pasteur dépassait tout ce que Candide avait vu de plus beau à Lapénouse de Cernon et il n’était même pas sûr qu’on pût en trouver une semblable sur Millau! Partout du marbre, des bois rares, des baies immenses ouvertes sur le parc ! L’intérieur n’était pas en reste : partout
des étoffes chatoyantes, des canapés profonds, des meubles luisants… Comme Candide en félicitait son hôte, celui-ci eut un sourire modeste :
« Les biens terrestres sont à mépriser, comme nous l’enseigne assez Notre Seigneur et je voudrais qu’il me retirât ceux-là pour Lui témoigner, comme Job sut le faire, mon absolue fidélité ! C’est leur origine qui me les rend chers : ils me viennent des dons de fidèles que mes indignes sermons ont remis dans la voie du Seigneur ! »
Tout en parlant, il ouvrait devant Candide la porte d’une pièce encombrée d’appareils d’enregistrement, de micros, de caméras et de projecteurs :
« C’est là , expliqua-t-il, que je m’emploie à rappeler vers Dieu les brebis égarées ; mes pauvres prêches passent chaque dimanche sur la principale chaîne de télévision, on les édite également en CD et ils sortiront prochainement en DVD… Dieu a permis ce succès qui est d’abord le Sien ! Gloire à Son nom ! Mais je dois, justement, relire mon sermon de demain sur « L’éminente dignité des pauvres » et j’ai à peine le temps de m’en imprégner avant que n’arrivent la maquilleuse et le coiffeur ! Prenez un bain, mon enfant, et reposez-vous ; on va vous indiquer votre chambre, qui jouxte la mienne. Si vous souhaitez voir la ville dès aujourd’hui, Richard vous conduira dans le centre avec la Lincoln et vous déposera devant le restaurant français « Le Bistrot » dont je me trouve, d’ailleurs, être propriétaire, par la volonté de Notre Seigneur. J’aurai téléphoné qu’on vous y accueille comme vous le méritez et vous pourrez, après vous être restauré, visiter les musées qui sont parmi les plus beaux d’Amérique. Nous nous retrouverons pour le dîner à 19 heures ; on dîne tôt ici ! Demain, il sera temps de se mettre en quête de Melle Lizzie ; comme je l’envie d’occuper ainsi vos pensées ! Allez, mon cher fils et que l’ Esprit soit avec vous ! »
( Ă suivre)
Comment Candide vit la France rayonner Ă Washington
et comment le bon pasteur lui offrit l’hospitalité.
Déjà on arrivait à l’aéroport de Dulles et le bon pasteur s’occupait des formalités d’entrée de son protégé sur le territoire américain. Candide, pendant ce temps, s’intéressait à l’une des boutiques proposant la presse internationale. Au centre de l’étal, un postérieur sublime en quadrichromie s’offrait à ses regards et Candide rougit car la pensée lui était venue que ce pouvait bien être celui de Melle Lizzie. Ses yeux quittérent à regret ces formes fascinantes pour découvrir le titre du magazine et quelle ne fut sa surprise en s’apercevant que c’était « Traqueurs de Dîmage » ! Il faut savoir qu’après sa brouille avec CMG, Bob avait chargé le jeune homme de dégrafer des dizaines de vieux exemplaires de ce magazine afin d’allumer commodément sa cheminée avec ce périodique à fort tirage ! Et voilà qu’il retrouvait « Traqueur de Dîmage » à l’étranger, contribuant tout autant que le Beaujolais de Georges Duboeuf et les chansons de Leny Escudéro au rayonnement universel de la France ! Candide était ému aux larmes lorsque revint vers lui le pasteur qui le prit par l’épaule très tendrement et lui annonça que tout était réglé avant de lui offrit l’hospitalité à Washington en attendant qu’il eût retrouvé Melle Lizzie. Notre larzacien accepta très naturellement l’invitation à visiter la capitale des Etats-Unis, n’ayant aucune expérience des villes où Bob voyait le gouffre de l’espèce humaine depuis qu’on l’avait agressé et dépouillé, un soir de ribote, comme il traversait la grand place de Millaud où il venait de vendre des truffes !
Une limousine attendait au sortir de l’aéroport ; un chauffeur en livrée salua respectueusement le pasteur et son hôte et ils se dirigèrent vers la ville. Candide contemplait admiratif les larges avenues et les nobles immeubles bordant le Mall (c’est ainsi, lui expliqua-t-on, que se nommait cette partie de la capitale). La voiture s’arrêta enfin devant un magnifique portail qui s’ouvrit silencieusement devant eux et ils parcoururent quelques centaines de mètres dans un parc irréprochablement entretenu. La maison du bon pasteur dépassait tout ce que Candide avait vu de plus beau à Lapénouse de Cernon et il n’était même pas sûr qu’on pût en trouver une semblable sur Millau! Partout du marbre, des bois rares, des baies immenses ouvertes sur le parc ! L’intérieur n’était pas en reste : partout
des étoffes chatoyantes, des canapés profonds, des meubles luisants… Comme Candide en félicitait son hôte, celui-ci eut un sourire modeste :
« Les biens terrestres sont à mépriser, comme nous l’enseigne assez Notre Seigneur et je voudrais qu’il me retirât ceux-là pour Lui témoigner, comme Job sut le faire, mon absolue fidélité ! C’est leur origine qui me les rend chers : ils me viennent des dons de fidèles que mes indignes sermons ont remis dans la voie du Seigneur ! »
Tout en parlant, il ouvrait devant Candide la porte d’une pièce encombrée d’appareils d’enregistrement, de micros, de caméras et de projecteurs :
« C’est là , expliqua-t-il, que je m’emploie à rappeler vers Dieu les brebis égarées ; mes pauvres prêches passent chaque dimanche sur la principale chaîne de télévision, on les édite également en CD et ils sortiront prochainement en DVD… Dieu a permis ce succès qui est d’abord le Sien ! Gloire à Son nom ! Mais je dois, justement, relire mon sermon de demain sur « L’éminente dignité des pauvres » et j’ai à peine le temps de m’en imprégner avant que n’arrivent la maquilleuse et le coiffeur ! Prenez un bain, mon enfant, et reposez-vous ; on va vous indiquer votre chambre, qui jouxte la mienne. Si vous souhaitez voir la ville dès aujourd’hui, Richard vous conduira dans le centre avec la Lincoln et vous déposera devant le restaurant français « Le Bistrot » dont je me trouve, d’ailleurs, être propriétaire, par la volonté de Notre Seigneur. J’aurai téléphoné qu’on vous y accueille comme vous le méritez et vous pourrez, après vous être restauré, visiter les musées qui sont parmi les plus beaux d’Amérique. Nous nous retrouverons pour le dîner à 19 heures ; on dîne tôt ici ! Demain, il sera temps de se mettre en quête de Melle Lizzie ; comme je l’envie d’occuper ainsi vos pensées ! Allez, mon cher fils et que l’ Esprit soit avec vous ! »
( Ă suivre)
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
collector83 - Messages : 1112
- Photos : 7
- Inscription : 18 Déc 2007
- Localisation : La Garde 83
- Contact :
Break!!!!!! pour permettre a ceux qui vienne de découvrir ta prose de suivre merci
c'est vrai que c'est prenant. je vais le mettre dans mes favoris pour pas le perdre.
c'est vrai que c'est prenant. je vais le mettre dans mes favoris pour pas le perdre.
Photographe débutant, je comprends pas tout Mais je me soigne, et ce sera long
Sony A700 + Grip + Viseur d'angle + CZ 16-80 3.5-4.5 + 18-70/3.5-5.6 + 70-200/2.8 G + HVL-F56AM
Minolta: 20/2.8 + 28/2.8 old + 50/1,7 rs + 100/2.8 Macro D + 70-210/4 + 100-400 APO/4.5-6.7 + 300/4 + TC 1.4 APO II
TC 2 AF Vivitar + Manfrotto + 055XPROB + 681B + 322RC2 + 352 + SlingShot 350 AW
Sony A700 + Grip + Viseur d'angle + CZ 16-80 3.5-4.5 + 18-70/3.5-5.6 + 70-200/2.8 G + HVL-F56AM
Minolta: 20/2.8 + 28/2.8 old + 50/1,7 rs + 100/2.8 Macro D + 70-210/4 + 100-400 APO/4.5-6.7 + 300/4 + TC 1.4 APO II
TC 2 AF Vivitar + Manfrotto + 055XPROB + 681B + 322RC2 + 352 + SlingShot 350 AW
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Je sens déjà la question que tous se posent : est-ce que le pasteur abusera de Candide?
Pas d'angoisse les petits gars, c'est une version pasteurisée !
N'empêche que c'était achement prémonitoire, ma prose, vu que la pape lui-même a récemment fait acte de repentance au nom de l'Eglise, à propos de la pédophilie
A propos, faut pas confondre une réunion pour préparer des cardinaux et un rôdage de sous-papes!
Désolé suis sorti !
Et relisez Candide ! L'original !
Avec Les liaisons dangereuses, Madame Bovary, les Fleurs du Mal et l'édito de GMC, c'est quand même dans ce qui se fait de mieux en littérature, non ?
Pas d'angoisse les petits gars, c'est une version pasteurisée !
N'empêche que c'était achement prémonitoire, ma prose, vu que la pape lui-même a récemment fait acte de repentance au nom de l'Eglise, à propos de la pédophilie
A propos, faut pas confondre une réunion pour préparer des cardinaux et un rôdage de sous-papes!
Désolé suis sorti !
Et relisez Candide ! L'original !
Avec Les liaisons dangereuses, Madame Bovary, les Fleurs du Mal et l'édito de GMC, c'est quand même dans ce qui se fait de mieux en littérature, non ?
J'ai du Canon mais je me soigne!
-
jean-louis - Messages : 723
- Photos : 42
- Inscription : 04 Jan 2008
- Localisation : Lyon 5 ième
Chapitre sixième
Comment Candide visita de très beaux musées
et comment il prit grand soin d’un moineau.
Décidément, tout baignait pour Candide qui voulut visiter le jour même ces fameux musées : initié par Bob qui investissait régulièrement son RMI en revues artistiques, il s’était pris pour la peinture d’un amour passionné et n’aimait rien tant que les impressionnistes. Il pria donc Richard de le conduire en ville et, un peu plus tard, La Lincoln glissait silencieusement sur les larges avenues du Mall ; la circulation était calme, fluide, régulière, et Candide souriait béatement en évoquant les retours de foire à la volaille dans la GS aux portières imprévisibles, par les chemins défoncés « Quel dommage que Bob ne soit pas avec moi : Il est sûr qu’il faut voyager et que ce pays vaut encore mieux que le Larzac », murmurait-il, et je serai décidément le plus heureux des hommes lorsque j’aurai retrouvé Melle Lizzie. Ils durent s’arrêter pour laisser passer un défilé : C’était, lui expliqua-t-on, la parade traditionnelle en faveur des fleurs de cerisier, le «National cherry blossom festival », qui mettait ainsi la ville en liesse : on célébrait la floraison des milliers de cerisiers offerts par le Japon à la capitale des Amériques.
_" Bob avait donc raison, pensait Candide, la Concorde règne par le monde et ces deux pays en témoignent qui, visiblement, tout au long de l’Histoire, ne se sont jamais envoyé que des fleurs ! »
Candide, tout attendri, resta longtemps en admiration devant les élèves des grandes écoles et les représentants des différentes communautés en habits traditionnels, les majorettes surtout le captivèrent, bien qu’aucune n’effaçât dans de son esprit les formes émouvantes de Melle Lizzie ; on était en avril et toutes exhibaient patriotiquement des jambes ravissantes sous d’imperceptibles collants. Il faut, songeait-il que ce pays soit un Eldorado puisque tant de communautés étrangères disent ici leur fierté d’en faire partie et le manifestent d’aussi charmante façon ! Bob me parlait parfois, assez confusément d’ailleurs, de ses idéaux anarco-trotskystes de jeunesse : la société idéale qu’il rêvait, je l’ai devant les yeux ! Qu’il aurait aimé être là !
Le défilé s’acheva trop vite, au gré de Candide que Richard déposa devant la National Gallery of Art, le plus prestigieux musée de la ville. Candide fut bientôt devant les plus beaux tableaux de l’école impressionniste… Il s’émerveilla de découvrir là nombre de tableaux de maîtres français : Monet, Gauguin, Pissaro qu’il chérissait par dessus tout… Les noms des généreux donateurs figuraient près du tableau et Candide s’enthousiasmait tout haut que l’Art eût trouvé, dans le Nouveau Monde, d’aussi ardents défenseurs. Un visiteur l’entendit, de belle prestance et très élégamment vêtu ; il lui expliqua, en un excellent français, qu’un système fiscal astucieux encourageait ces legs, que les grandes firmes trouvaient dans ce mécénat un moyen commode de se valoriser, mais que la plupart des donateurs n’aimaient nullement la peinture, lui-même d’ailleurs, commençant à s’en lasser. Candide fut un peu déçu, remercia très poliment cet homme puis osa lui demander son nom.
« Pococuranté, pour vous servir, » lui répondit-on. »
Nullement dépité par cette rencontre, Candide voulut visiter tous les musées, décidé à se passer de déjeuner s’il le fallait, et fut encore transporté d’enthousiasme par le « Musée de la conquête de l’espace » : ainsi les hommes après s’être vainement tournés vers le ciel pour y prier d’improbables dieux, avaient entrepris de conquérir les airs par eux-mêmes, grâce aux ressources de leur raison ! Le génie humain était ici visible, palpable, accessible aux nombreux écoliers occupés à se livrer à des expériences de physique sur la pression, la gravité, la lumière… Candide volait lui aussi en plein ciel, d’autant plus qu’il avait observé une vive ressemblance entre l’une des spationautes de la navette, photographiée grandeur nature, et Melle Lizzie : il ne doutait pas de la retrouver bientôt et de monter, en sa compagnie, au septième ciel ! Le « Musée de la vie américaine » l’intéressa tout autant : il comprit que ce peuple, dont l’histoire était si brève, en recueillait les traces avec un soin extrême et il en fut touché. Les Indiens étaient là , qui peuplaient ce continent à l’arrivée des européens et y avaient laissé des plumes ; On pouvait encore les voir dans les vitrines, accompagnées d’explications sur leur signification, comme sur le langage des signaux de fumée par lesquels ils communiquaient avant que l’on n’inventât le téléphone. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, dans l’étage consacré aux années soixante, nombre d’objets dont Bob se servait quotidiennement, ainsi son appareil photographique Minolta SRT 101 où il voyait la dernière merveille technologique et qu’il se refusait à remplacer bien qu’il ne produisît plus que d’obscurs et nébuleux clichés. (Il est vrai que son objectif, un 50 mm ouvert à 1,4 avait allumé tant de feu de brindilles que son traitement anti-reflets avait souffert !) Et les Américains, eux, l’avaient mis au musée ! « Nous sommes décidément ici dans un autre monde, celui, radieux, que le Progrès ouvre aux hommes ! » songeait Candide en quittant le musée.
La faim le rappelant à la réalité, il acheta, grâce aux dollars dont le bon pasteur l’avait pourvu, un hamburger et du soda et il déambulait par les pelouses quand un moineau couleur azur retint son attention : il frissonnait, sans doute en proie au froid et à la faim, sautillant maladroitement autour de Candide, comme envieux des miettes qu’il répandait. Notre lapénousien, attentif à toute souffrance, remarqua que son bec était cassé, et il fut pris de pitié envers cette victime de la vie, à jamais incapable de faire entendre aucun chant mélodieux. « Hélas, lui murmura-t-il, comment pourrais-tu survivre, toi qui ne saurais même pas venir à bout du plus petit ver et qui ne pourras jamais inviter aucune femelle à partager ton misérable sort ! Du banquet de la vie, infortuné convive, tu n’auras que les miettes ! » Et, joignant le geste à la parole , ce cœur pur lança les siennes au déshérité, avant de reprendre, tout triste, sa promenade. Il se trouva bientôt devant la Maison Blanche qu’on lui présenta comme la résidence du Président. Pris de respect, il finit à la hâte sa frugale collation, regrettant quelque peu les saucissons sous la cendre de Bob, s’essuya les mains de son mieux, remit de l’ordre dans sa coiffure et son habit et demanda si l’on pouvait visiter ces lieux de pouvoir. En vérité, il craignait fort d’être éconduit, se rappelant une visite au député de la Lozère, lequel n’avait pas daigné les recevoir, sans que le pantalon de velours élimé de Bob, sa chemise à fleurs froissée et ses sabots terreux y fussent certainement pour rien ! Il eut plus de chance cette fois et le factionnaire lui expliqua très poliment que tout visiteur pouvait circuler dans la résidence présidentielle, sauf dans l’aile privée et la salle du conseil au fameux bureau ovale, mais que cette dernière restait accessible aux groupes scolaires qui pouvaient voir ainsi où se prenaient des décisions qui règleraient leur vie
« Quel pays et quels hommes ! s’exclamait Candide. Ainsi il existe un monde où les puissants ne sont pas méprisants, bien qu’ils aient autant de pouvoir et peut-être même plus que le préfet de la Lozère ! Il faudra que je me fasse Américain ! Hélas, puisque mon cher maître n’est plus, c’est là que je vivrai, aux pieds de Melle Lizzie, une éternelle félicité ! ».
Comment Candide visita de très beaux musées
et comment il prit grand soin d’un moineau.
Décidément, tout baignait pour Candide qui voulut visiter le jour même ces fameux musées : initié par Bob qui investissait régulièrement son RMI en revues artistiques, il s’était pris pour la peinture d’un amour passionné et n’aimait rien tant que les impressionnistes. Il pria donc Richard de le conduire en ville et, un peu plus tard, La Lincoln glissait silencieusement sur les larges avenues du Mall ; la circulation était calme, fluide, régulière, et Candide souriait béatement en évoquant les retours de foire à la volaille dans la GS aux portières imprévisibles, par les chemins défoncés « Quel dommage que Bob ne soit pas avec moi : Il est sûr qu’il faut voyager et que ce pays vaut encore mieux que le Larzac », murmurait-il, et je serai décidément le plus heureux des hommes lorsque j’aurai retrouvé Melle Lizzie. Ils durent s’arrêter pour laisser passer un défilé : C’était, lui expliqua-t-on, la parade traditionnelle en faveur des fleurs de cerisier, le «National cherry blossom festival », qui mettait ainsi la ville en liesse : on célébrait la floraison des milliers de cerisiers offerts par le Japon à la capitale des Amériques.
_" Bob avait donc raison, pensait Candide, la Concorde règne par le monde et ces deux pays en témoignent qui, visiblement, tout au long de l’Histoire, ne se sont jamais envoyé que des fleurs ! »
Candide, tout attendri, resta longtemps en admiration devant les élèves des grandes écoles et les représentants des différentes communautés en habits traditionnels, les majorettes surtout le captivèrent, bien qu’aucune n’effaçât dans de son esprit les formes émouvantes de Melle Lizzie ; on était en avril et toutes exhibaient patriotiquement des jambes ravissantes sous d’imperceptibles collants. Il faut, songeait-il que ce pays soit un Eldorado puisque tant de communautés étrangères disent ici leur fierté d’en faire partie et le manifestent d’aussi charmante façon ! Bob me parlait parfois, assez confusément d’ailleurs, de ses idéaux anarco-trotskystes de jeunesse : la société idéale qu’il rêvait, je l’ai devant les yeux ! Qu’il aurait aimé être là !
Le défilé s’acheva trop vite, au gré de Candide que Richard déposa devant la National Gallery of Art, le plus prestigieux musée de la ville. Candide fut bientôt devant les plus beaux tableaux de l’école impressionniste… Il s’émerveilla de découvrir là nombre de tableaux de maîtres français : Monet, Gauguin, Pissaro qu’il chérissait par dessus tout… Les noms des généreux donateurs figuraient près du tableau et Candide s’enthousiasmait tout haut que l’Art eût trouvé, dans le Nouveau Monde, d’aussi ardents défenseurs. Un visiteur l’entendit, de belle prestance et très élégamment vêtu ; il lui expliqua, en un excellent français, qu’un système fiscal astucieux encourageait ces legs, que les grandes firmes trouvaient dans ce mécénat un moyen commode de se valoriser, mais que la plupart des donateurs n’aimaient nullement la peinture, lui-même d’ailleurs, commençant à s’en lasser. Candide fut un peu déçu, remercia très poliment cet homme puis osa lui demander son nom.
« Pococuranté, pour vous servir, » lui répondit-on. »
Nullement dépité par cette rencontre, Candide voulut visiter tous les musées, décidé à se passer de déjeuner s’il le fallait, et fut encore transporté d’enthousiasme par le « Musée de la conquête de l’espace » : ainsi les hommes après s’être vainement tournés vers le ciel pour y prier d’improbables dieux, avaient entrepris de conquérir les airs par eux-mêmes, grâce aux ressources de leur raison ! Le génie humain était ici visible, palpable, accessible aux nombreux écoliers occupés à se livrer à des expériences de physique sur la pression, la gravité, la lumière… Candide volait lui aussi en plein ciel, d’autant plus qu’il avait observé une vive ressemblance entre l’une des spationautes de la navette, photographiée grandeur nature, et Melle Lizzie : il ne doutait pas de la retrouver bientôt et de monter, en sa compagnie, au septième ciel ! Le « Musée de la vie américaine » l’intéressa tout autant : il comprit que ce peuple, dont l’histoire était si brève, en recueillait les traces avec un soin extrême et il en fut touché. Les Indiens étaient là , qui peuplaient ce continent à l’arrivée des européens et y avaient laissé des plumes ; On pouvait encore les voir dans les vitrines, accompagnées d’explications sur leur signification, comme sur le langage des signaux de fumée par lesquels ils communiquaient avant que l’on n’inventât le téléphone. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir, dans l’étage consacré aux années soixante, nombre d’objets dont Bob se servait quotidiennement, ainsi son appareil photographique Minolta SRT 101 où il voyait la dernière merveille technologique et qu’il se refusait à remplacer bien qu’il ne produisît plus que d’obscurs et nébuleux clichés. (Il est vrai que son objectif, un 50 mm ouvert à 1,4 avait allumé tant de feu de brindilles que son traitement anti-reflets avait souffert !) Et les Américains, eux, l’avaient mis au musée ! « Nous sommes décidément ici dans un autre monde, celui, radieux, que le Progrès ouvre aux hommes ! » songeait Candide en quittant le musée.
La faim le rappelant à la réalité, il acheta, grâce aux dollars dont le bon pasteur l’avait pourvu, un hamburger et du soda et il déambulait par les pelouses quand un moineau couleur azur retint son attention : il frissonnait, sans doute en proie au froid et à la faim, sautillant maladroitement autour de Candide, comme envieux des miettes qu’il répandait. Notre lapénousien, attentif à toute souffrance, remarqua que son bec était cassé, et il fut pris de pitié envers cette victime de la vie, à jamais incapable de faire entendre aucun chant mélodieux. « Hélas, lui murmura-t-il, comment pourrais-tu survivre, toi qui ne saurais même pas venir à bout du plus petit ver et qui ne pourras jamais inviter aucune femelle à partager ton misérable sort ! Du banquet de la vie, infortuné convive, tu n’auras que les miettes ! » Et, joignant le geste à la parole , ce cœur pur lança les siennes au déshérité, avant de reprendre, tout triste, sa promenade. Il se trouva bientôt devant la Maison Blanche qu’on lui présenta comme la résidence du Président. Pris de respect, il finit à la hâte sa frugale collation, regrettant quelque peu les saucissons sous la cendre de Bob, s’essuya les mains de son mieux, remit de l’ordre dans sa coiffure et son habit et demanda si l’on pouvait visiter ces lieux de pouvoir. En vérité, il craignait fort d’être éconduit, se rappelant une visite au député de la Lozère, lequel n’avait pas daigné les recevoir, sans que le pantalon de velours élimé de Bob, sa chemise à fleurs froissée et ses sabots terreux y fussent certainement pour rien ! Il eut plus de chance cette fois et le factionnaire lui expliqua très poliment que tout visiteur pouvait circuler dans la résidence présidentielle, sauf dans l’aile privée et la salle du conseil au fameux bureau ovale, mais que cette dernière restait accessible aux groupes scolaires qui pouvaient voir ainsi où se prenaient des décisions qui règleraient leur vie
« Quel pays et quels hommes ! s’exclamait Candide. Ainsi il existe un monde où les puissants ne sont pas méprisants, bien qu’ils aient autant de pouvoir et peut-être même plus que le préfet de la Lozère ! Il faudra que je me fasse Américain ! Hélas, puisque mon cher maître n’est plus, c’est là que je vivrai, aux pieds de Melle Lizzie, une éternelle félicité ! ».
J'ai du Canon mais je me soigne!
Revenir vers « Vie du forum »
Qui est en ligne ?
Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invités
