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1- Bonjour Timoune. Pour commencer je te laisse nous dire qui tu es.
- Bonjour !
Pour faire rapide, je suis un jeune diplômé d'une école d'ingénieur agri/agro. J'ai été toujours passionné par l'environnement marin, plus particulièrement les mammifères marins.
Je suis de Normandie (Calvados), mais je vis maintenant en Finlande à Helsinki. Je profite de mon temps libre pour voyager et faire de la photo, du timelapse et un peu de vidéos. La photo est ainsi un moyen d'en faire profiter les autres, de garder de jolis souvenirs mais c'est aussi un outil pour "travailler", par exemple sur les mammifères marins. C’est d’ailleurs comme ça que ma passion pour la photo est née !
2- Le passage direct de l'école d'agro à la protection de l'environnement ne parait un enchaînement évident, ça a même quelque chose d'antinomique pour un béotien en la matière. Peux-tu nous en dire plus sur ton parcourt et tes motivations?
- L'agro est en fait un domaine très large, les débouchés sont très nombreux. Tu peux travailler dans les semences végétales, dans la protection de l'environnement, dans la production animale, etc... L'agro est un domaine qui permet d'assurer la production de nourriture, et de nos jours on a besoin de prendre en compte l’environnement et la santé dans ce schéma. C'est maintenant l'enjeu majeur du domaine, c'est pour ça que ça m'intéresse ! Y a à faire, c’est clair…
Ma principale motivation est la protection de l'environnement marin. J'ai toujours voulu faire ça. Les mers et les océans sont d'une richesse écologique immense, qui est souvent très mal connue par le grand public. Ces espaces sont souvent en mauvaise état, à cause des activités humaines.
Pendant l'ensemble de ma scolarité, j'ai axé mes stages et mes travaux sur l'environnement marin : aquaculture, mammifères marins, pêche, etc. Évidemment, voyager était aussi un élément important : ça forme la jeunesse, et j'ai rapidement compris qu'il faut voyager pour comprendre certaines choses de la vie...
3- Qu'est-ce qui t'a amené en Finlande, les ours
?- Une finlandaise...
.L'été il y a les ours, loups, gloutons, etc... l'hiver il y a les aurores boréales. C'est pas mal
4- En quoi consiste tes projets de recherche ?
- Mon mémoire de fin d'étude était sur la mise en place d'une technique pour mieux comprendre l'impact des activités humaines sur l'environnement marin. Cette étude, réalisée au Finnish Environment Institute (Institut de l'Environnement Finlandais) a permis de combler un immense manque de connaissances des impacts humains, principalement sur la biodiversité. Hors, il y a un besoin réel de ces connaissances... Si on prend l'exemple de la mer Baltique (l'une des mers la plus polluée de la planète...), des mesures de protection peuvent être mises en place seulement si on a une bonne connaissance des impacts humains.
Depuis, j'ai de nombreuses pistes pour des projets très sympas (toujours en Finlande, bien sûr). Par exemple, la mise en place et le suivi de projets coopératifs en Afrique pour aider les pays à prendre en compte la protection de l'environnement marin tout en continuant à puiser dans les ressources naturelles (pêche). On verra si ça marche
. 5- Tu es secrétaire d'une association d'étude des cétacés en Normandie : quel est le nom et le but de cette association ? Un lien vers un site pour ceux que ça intéresserait ?
- Il s'agit du GECC, le Groupe d’Étude des Cétacés du Cotentin (http://gecc-normandie.org/ le site n'est pas à jour, mais ça donne une idée de ce que l'on fait
).Le but de l'association est l'étude des mammifères marins, principalement d'une population sédentaire de grands dauphins. Le golfe normand-breton accueille de façon continue plusieurs centaines de grands dauphins, il s'agirait de l'une des plus grandes populations sédentaires et côtières d'Europe. L'étude permet de protéger ces animaux, par exemple dans la mise en place de projets éoliens en mer.
L'association commence à avoir une bonne idée de la structure sociale de cette population : la répartition des animaux en groupe suit-elle une loi comme la génétique par exemple ? C'est un travail passionnant.
Au sein de l'association, je m'occupe principalement du Réseau d'Observateurs : nous recueillons les observations des usagers de la mer. Cela nous permet d'avoir chaque année, une meilleure idée de ce qui se passe dans la mer de la Manche... Et surtout de pouvoir rassembler toutes ces observations, et de montrer que cette zone est riche en mammifères marins, chose quasi-inconnue par les habitants de cette côte
6- A la visite de tes sites (http://500px.com/florent-nicolas & http://www.flickr.com/photos/florentnicolas) on comprend que les cétacés sont ta véritable passion. Une raison à cela ? depuis quand t'intéresses-tu à ces animaux fascinants ? Un souvenir plus particulièrement marquant de tes moments passés avec eux ?
- J’ai vu mon premier groupe de dauphins quand j’étais très jeune, ça a été l’élément déclencheur. Ma famille est aussi une famille « de marins », donc j’imagine que j’ai ça dans le sang…
L’observation de ces animaux est quelque chose d’excitant, puisqu’on n'a seulement que quelques secondes pour les voir : quand ils viennent en surface pour se nourrir, respirer ou « jouer ». Lors de mon dernier voyage au Canada pour du travail de terrain, j’ai eu des observations assez incroyables. Par exemple ce groupe d’orques qui passe à côté du rocher où j'ai résidé pendant quelques semaines. Ils sont réellement venus se reposer juste devant la cabane avec aucun bateau autour. On était des privilégiés… Ou alors ces groupes de baleines à bosse qui se nourrissent en groupe, c’est quelque chose d’incroyable : on se sent minuscule et très faible. Et quand on voit ça depuis un kayak, on ne fait pas le malin (vraiment pas ).
7- Pour en revenir à cette photo, raconte-nous les circonstances de prise de vue, l'endroit, l'ambiance...
- La photo montre un baleineau en train de faire ce fameux saut typique des baleines à bosses… Il était exactement en train d’imiter sa mère. Nous sommes dans le nord du Canada, côte Pacifique, où les baleines à bosse, rorquals communs et orques sont dans le coin pendant les mois d’été.
J’étais en fait à côté de la station où nous observons en continu (quand il fait jour…) ce qui se passe. Je partais pour une marche dans la forêt quand j’ai entendu ma collègue crier « Flo, WHALES ! ».
Les deux baleines qui dormaient dans la baie depuis des heures se sont « réveillées ». J’ai réussi à avoir la photo où on voit ma collègue sur la station avec la mère qui saute un peu plus loin, je la mettrai bientôt sur le fofo
. Pendant des dizaines de minutes, elles sautaient dans tous les sens. Je me suis donc décalé sur la plage, j'ai changé l’objectif et j’ai attendu que le jeune se mette juste devant le brouillard. En regardant les photos, on se rend compte à quel point le jeune est petit par rapport à sa mère… le jeune est né dans les eaux chaudes (Hawaii ou Mexique) et reste avec sa mère quelques temps. Il sera probablement sans sa mère l’été prochain, quand elles reviendront dans les eaux canadiennes.Le bruit que ces baleines font quand elles sautent est immense. Elles ont continué tout en se déplaçant dans le brouillard, on les a perdu de vue mais on les entendait toujours sauter…
8- Comment fait-on pour fixer cet instant magique ? Difficile à priori de savoir où elle va sortir, il faut aussi des réflexes très affutés pour ne pas louper l'instant !
- Ce type d’image est assez difficile. Il faut être prêt, et essayer d’imaginer où l’animal va sortir… On ne fait pas une telle image chaque jour, c’est clair. Ici, les deux baleines répétaient les sauts, donc c’était un peu plus simple . Et je ne dis pas que toutes mes photos de sauts sont réussies, vraiment pas…
Le plus difficile en fait, c’est de décider si tu veux prendre la photo, ou si tu veux garder ce souvenir dans la tête, en l’ayant vu directement avec tes yeux…
9- En dehors de l'aspect artistique ou esthétique, la photo est-elle aussi un instrument de travail pour toi ? inventaire et identification des animaux par leurs particularités anatomiques par exemple...
- Exactement. En fonction des espèces, on prend en photo des parties du corps qui permettent de reconnaître chaque individu. Pour les baleines à bosse, on prend la queue, parfois l’aileron dorsal. Pour les orques, on utilise l’aileron dorsal et la zone blanchâtre qui se situe juste derrière celui-ci. Pour les grands dauphins en Normandie, on prend seulement l’aileron dorsal. Cela permet de savoir combien il y a de spécimens, mais aussi de voir les liens entre les animaux : sont-ils toujours ensemble, depuis quand, etc...
10- Dans la dernière photo de ton fil sur la Colombie Britannique, tu indiques les âges d'un couple d'orques : comment fait-on pour savoir ?
- Les orques du Nord-Est Pacifique sont étudiés depuis des décennies. On connaît bien la structure sociale de ces animaux, leur âge, etc. Ces deux orques font partie de la population de transients : ce sont des animaux qui se nourrissent exclusivement d’autres mammifères marins (phoques, lions de mer, marsouins, etc...).
Justement, j’ai identifié ces deux animaux grâce à un catalogue qui répertorie l’ensemble de ces orques transientes. Grâce à leur aileron et à cette forme blanchâtre derrière l’aileron, l’identification est assez simple. L’état d’avancement du suivi de ces orques est tel que ce catalogue nous informe aussi sur l’année de naissance des animaux.
11- Pour parler "hardware", es-tu satisfait de ton équipement Sony pour une activité principalement animalière ? Pas de problème avec les conditions climatiques difficiles des pays où tu exerces ?
- Satisfait, oui. On entend souvent dire que Sony n’est pas la meilleure monture pour l’animalier, mais je n’ai pas besoin de plus. Pour les mammifères marins, on a besoin d’être mobile, de pouvoir bouger rapidement, surtout si on est sur un bateau. On ne peut pas se permettre de prendre des objectifs trop lourds qui sont par exemple fabriqués chez d’autres montures.
- Les ours finlandais et canadiens commencent sérieusement à me taquiner, comme les loups... J’ai besoin d’un boitier où les hauts isos passent bien, c’est ça ma limite pour le moment. Je vais donc attendre voir ce que Sony va pondre pour ces prochains boitiers FF. Niveau objectif, un peu plus d’ouverture serait la bienvenue, mais je ne peux pas me permettre d’avoir des cailloux trop lourds… C’est impossible quand tu marches dans une rivière à saumon en train de chercher des ours.
- Niveau conditions climatiques, je fais très attention à mon matos. En mer, le rangement se fait exclusivement dans des valises étanches. Je fais très attention à l’eau de mer et à la pluie, même si je me suis déjà pris quelques grains et je n’ai jamais eu de problèmes. Pour des timelapses sous la pluie, se fabriquer des housses « étanches » avec des sacs poubelles est assez simple quand on est sur le terrain, donc c’est extra ! Pour le froid finlandais en hiver, je n'ai jamais eu de problèmes même à des températures très fraîches en pleine nuit...
12- Qu'est-ce qui t'a amené sur le forum ?
- Échanger et apprendre sont les deux principales raisons. On en apprend tous les jours, c’est pourquoi je suis de plus en plus présent ici.
13- Comme c'est de tradition, à toi de conclure. Encore bravo pour cette magnifique image, on est impatient de celles à venir !
- Merci à toi (et à vous !), il y a d’autres qui vont arriver bientôt
. Difficile de conclure… Concernant mes prochains projets, je pense axer un peu plus mes efforts sur les gros animaux finlandais (ours, loups, etc.)… J’aime les photos de paysage finlandais où un ours est planté entre les arbres. Ce sont des moments uniques. Et bien sûr retourner au Canada dès que possible. J’ai la chance d’avoir des amis qui connaissent bien le fameux ours kermode qui est très rare. Ils m’ont emmené le voir l’été dernier, c’était un moment incroyable. Le lien entre les premières nations et la nature est incroyable, je voudrais bien commencer réellement quelque chose là-dessus.Merci à vous pour vos commentaires sur mes photos, et merci pour tout ce qu’on peut apprendre ici ! Et si vous passez à Helsinki pour aller voir le Père Noël, les aurores pour les ours, dîtes moi pour qu’on prenne une bière
Un grand merci à Florent pour cet interview fleuve, on est impatient des images à venir
pour un superbe fil que je suis toujours avec émerveillement 
