L'album des lecteurs de CI : soyons cruels
Publié : Mar 16 Oct 2007 23:57
Bonjour les zamis.
En feuilletant mon CI dans le TGV ce soir, mes yeux fatigués se sont particulièrement attardés sur la section intitulée "l'album des lecteurs". Mais si, vous savez bien, ces quelques pages vers la fin où CI critique les photos des bonnes volontés qui veulent bien leur en envoyer.
Bref, certains clichés paraissant dans cette rubrique sont tout à fait remarquables, du beau boulot, rien à redire. D'autres sont corrects bien que perfectibles. Mais ça n'est pas ceux-là qui m'ont intéressé tout particulièrement ce soir.
Non justement, j'ai été profondément troublé par les quelques photos complètement pourraves qu'on trouve immanquablement saupoudrées au long de ces quatre à six pages. Des trucs incroyablement nuls. Et n'importe qui est légitimement appelé à se poser la question : mais qu'est-ce qui a bien pu pousser un individu à soumettre une merde pareille à la critique publique, qui plus est dans le magasine photo le plus lu de la Francophonie ? Cela pose des questions d'ordre quasiment ethnologique.
Soyons concrets : Faites-moi la grace d'ouvrir votre dernier Chasseur d'Images à la page 186. Etudions au hasard la photo numéro 2, d'une certaine Virginie V. Troublant n'est-ce pas ? Mais cela n'est rien, tournez avec moi les deux pages suivantes jusqu'au cliché numéro 17 envoyé par un dénommé Eric C. Alors ? Vous aussi ça vous intrigue, je le vois à votre regard perplexe, presque dubitatif.
Essayons tous ensembles de reconstituer la scène : Notre amie Virginie est jeune et débordante d'enthousiasme. Elle lit CI depuis quelques temps, cela nous pouvons le déduire du fait qu'elle connait la rubrique de "l'album des lecteurs". Elle s'intéresse donc à la photo, potasse des articles, cherche à progresser. Elle n'a pas de très gros moyens puisqu'elle travaille encore avec un compact Pentax mais elle sait comme nous tous que l'habit ne fait pas le moine et que seul l'oeil compte.
Un beau jour notre jeune amie se sent prête. Elle ne se sent pas encore d'exposer à la Tate Gallery mais elle aimerait bien envoyer une de ses images à son magazine qu'elle aime tant, pour avoir de leur part un vrai regard technique. Alors Virginie passe et repasse sa photothèque en revue. Elle veut, c'est légitime, envoyer LA photo dont elle est la plus fière, elle sélectionne, elle trie, elle jette, elle resélectionne. Pas facile.
Et puis voilà. Elle a enfin trouvé.
Et c'est là que se glisse le hiatus, la fêlure qui m'échappe totalement et qui me rend si mordant ce soir, au risque, je le sens bien, de paraître pédant.
Comment, mes chers amis, imaginer une seule seconde, un seul instant, qu'une personne normalement constituée, ayant lu régulièrement Chasseur d'Images, même totalement dépourvue de talent photographique (ce qui n'est pas une tare) puisse avoir le désir de soumettre au monde entier cette composition saugrenue : une statue kitch, figée et terne, noyée dans des feuilles de palmier sombres qui se découpent péniblement sur un ciel crâmée.
Comment comprendre que le jeune Eric C. ait eu besoin qu'on lui verbalise le fait que ses deux kangourous, perdus dans un décors sinistre et qui plus est surexposé, étaient tout simplement ratés ?
Et les horizons qui penchent, comme celui de Didier D ? TOUS les mois il y a un horizon qui penche dans les pages critiques de CI, tous les mois on y lit que c'est pas bien et malgré ça y a toujours un gus pour en envoyer un autre. Vous trouvez pas ça bizarre, vous ? Ou alors c'est comme pour les spectacles de vaches landaises, le soi-disant volontaire du public est en fait un complice ? Ces pages seraient alimentées par la redac elle-même pour pouvoir faire passer les messages de base ?
J'aimerais pouvoir le croire car cela m'oterait de l'esprit cette interrogation lancinante : pourquoi ?
Et au-delà de mon propre trouble, cela devrait également faire se poser des questions à la rédaction de CI : où avons-nous merdé ? Ce doit être désespérant pour un journaliste d'écrire un mois : "oooh, c'est pas bien les sujets trop centrés", puis de recevoir au courier de la semaine suivante un sac postal entier rempli de portraits pleine pastille.
Voilà mes amis, je voulais vous exposer mes turbinations vespérales en même temps que de me moquer un peu cruellement de pauvres gens que je ne connais pas et qui sont sans doute plus courageux que moi. Mais Le Chat avait cette réponse très belle quand on lui demandait si on pouvait rire du malheur des autres : ça dépend, si le malheur des autres est rigolo, alors oui.
Bien à vous
v
En feuilletant mon CI dans le TGV ce soir, mes yeux fatigués se sont particulièrement attardés sur la section intitulée "l'album des lecteurs". Mais si, vous savez bien, ces quelques pages vers la fin où CI critique les photos des bonnes volontés qui veulent bien leur en envoyer.
Bref, certains clichés paraissant dans cette rubrique sont tout à fait remarquables, du beau boulot, rien à redire. D'autres sont corrects bien que perfectibles. Mais ça n'est pas ceux-là qui m'ont intéressé tout particulièrement ce soir.
Non justement, j'ai été profondément troublé par les quelques photos complètement pourraves qu'on trouve immanquablement saupoudrées au long de ces quatre à six pages. Des trucs incroyablement nuls. Et n'importe qui est légitimement appelé à se poser la question : mais qu'est-ce qui a bien pu pousser un individu à soumettre une merde pareille à la critique publique, qui plus est dans le magasine photo le plus lu de la Francophonie ? Cela pose des questions d'ordre quasiment ethnologique.
Soyons concrets : Faites-moi la grace d'ouvrir votre dernier Chasseur d'Images à la page 186. Etudions au hasard la photo numéro 2, d'une certaine Virginie V. Troublant n'est-ce pas ? Mais cela n'est rien, tournez avec moi les deux pages suivantes jusqu'au cliché numéro 17 envoyé par un dénommé Eric C. Alors ? Vous aussi ça vous intrigue, je le vois à votre regard perplexe, presque dubitatif.
Essayons tous ensembles de reconstituer la scène : Notre amie Virginie est jeune et débordante d'enthousiasme. Elle lit CI depuis quelques temps, cela nous pouvons le déduire du fait qu'elle connait la rubrique de "l'album des lecteurs". Elle s'intéresse donc à la photo, potasse des articles, cherche à progresser. Elle n'a pas de très gros moyens puisqu'elle travaille encore avec un compact Pentax mais elle sait comme nous tous que l'habit ne fait pas le moine et que seul l'oeil compte.
Un beau jour notre jeune amie se sent prête. Elle ne se sent pas encore d'exposer à la Tate Gallery mais elle aimerait bien envoyer une de ses images à son magazine qu'elle aime tant, pour avoir de leur part un vrai regard technique. Alors Virginie passe et repasse sa photothèque en revue. Elle veut, c'est légitime, envoyer LA photo dont elle est la plus fière, elle sélectionne, elle trie, elle jette, elle resélectionne. Pas facile.
Et puis voilà. Elle a enfin trouvé.
Et c'est là que se glisse le hiatus, la fêlure qui m'échappe totalement et qui me rend si mordant ce soir, au risque, je le sens bien, de paraître pédant.
Comment, mes chers amis, imaginer une seule seconde, un seul instant, qu'une personne normalement constituée, ayant lu régulièrement Chasseur d'Images, même totalement dépourvue de talent photographique (ce qui n'est pas une tare) puisse avoir le désir de soumettre au monde entier cette composition saugrenue : une statue kitch, figée et terne, noyée dans des feuilles de palmier sombres qui se découpent péniblement sur un ciel crâmée.
Comment comprendre que le jeune Eric C. ait eu besoin qu'on lui verbalise le fait que ses deux kangourous, perdus dans un décors sinistre et qui plus est surexposé, étaient tout simplement ratés ?
Et les horizons qui penchent, comme celui de Didier D ? TOUS les mois il y a un horizon qui penche dans les pages critiques de CI, tous les mois on y lit que c'est pas bien et malgré ça y a toujours un gus pour en envoyer un autre. Vous trouvez pas ça bizarre, vous ? Ou alors c'est comme pour les spectacles de vaches landaises, le soi-disant volontaire du public est en fait un complice ? Ces pages seraient alimentées par la redac elle-même pour pouvoir faire passer les messages de base ?
J'aimerais pouvoir le croire car cela m'oterait de l'esprit cette interrogation lancinante : pourquoi ?
Et au-delà de mon propre trouble, cela devrait également faire se poser des questions à la rédaction de CI : où avons-nous merdé ? Ce doit être désespérant pour un journaliste d'écrire un mois : "oooh, c'est pas bien les sujets trop centrés", puis de recevoir au courier de la semaine suivante un sac postal entier rempli de portraits pleine pastille.
Voilà mes amis, je voulais vous exposer mes turbinations vespérales en même temps que de me moquer un peu cruellement de pauvres gens que je ne connais pas et qui sont sans doute plus courageux que moi. Mais Le Chat avait cette réponse très belle quand on lui demandait si on pouvait rire du malheur des autres : ça dépend, si le malheur des autres est rigolo, alors oui.
Bien à vous
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