Semaine 17-2017 : Garfi75
Publié : Lun 24 Avr 2017 16:29
Bonjour à tous,
Pour changer un peu, je vous propose cette semaine une interview de Garfi75 . Tout simplement car je trouve son parcours très intéressant et que ça vaut le coup de faire une petite mise en lumière
Donc allons y !
Salut Simon,
Pour commencer, je t'ai demandé de proposer une photo pour illustrer cette interview. Pourquoi ce choix?
Moins présent ces dernier temps sur le forum, tu n’as pas pour autant freiné la photo. Alors en attendant d’en savoir plus et pour ceux qui ne connaissent pas, qui es-tu Garfi75 ?
Il y a un moment, je me souviens du fil que tu avais posté concernant ton départ au Népal suite au séisme. Est ce que c'est ce voyage qui à déclenché quelque-chose dans ta pratique photo?
Depuis quelques années (je crois) tu es passé du coté pro de la photo en intégrant une agence. Tu peux nous raconter comment ça s'est goupillé?
Le fait d'être photojournaliste t'oblige à "vendre" tes clichés à différents organismes de presse. Comment se passe ton "démarchage" (si on peut appeler ça comme ça) ?
Je te suis pas mal sur Facebook, et depuis quelques temps, j'ai l'impression que pas mal de portes s'ouvrent, notamment pendant les élections américaines que tu as couvert et la prise en main du compte Instagram de Polka magazine, rien que ça! Comment en es tu arrivé là?
Pour continuer dans l'actualité, je me souviens également d'une vidéo qui avait pas mal tournée et prise depuis ton casque, d'un CRS un peu énervé.. Peux nous décrire un peu les circonstances? casse matériel?
Pour changer un peu, je vous propose cette semaine une interview de Garfi75 . Tout simplement car je trouve son parcours très intéressant et que ça vaut le coup de faire une petite mise en lumière

Donc allons y !
Salut Simon,
Pour commencer, je t'ai demandé de proposer une photo pour illustrer cette interview. Pourquoi ce choix?
- Ça se passe à Washington, le soir du résultat de l'élection présidentielle américaine. Dans un pub à deux pas de la Maison Blanche, les Américains suivent les rapports concernant les grands électeurs*. Ce soir là, la cartographie des États-Unis se couvre en majorité de rouge soit une victoire de Trump. A Washington la population est fortement pro-Clinton. Ainsi la réaction est sans équivoque à l'annonce des résultats.
Jusqu'aux premiers résultats dans la soirée, peu de gens ici pensaient que Trump l'emporterait. Alors que je parcourais la ville pour témoigner de cette journée pour Polka, j'écoutais en parallèle à la radio les commentaires des journalistes qui semblaient dire qu'à la Trump party organisée à New-York, l'ambiance était tendue voir morose. Les déclarations de Trump, précédant sa fin de campagne semblaient aux yeux de nombreux américains l'avoir largement discrédité. Qu'elle ne fut pas la surprise pour le monde, ce 8 novembre 2016 de le voir remporter la présidentielle.
* (chaque Etat a un nombre de grands électeurs qui lui est attribué, ainsi le candidat est élu pas les Etats (vote électoral) et non directement le peuple (vote populaire)). Trump a remporté 306 électeurs contre 232 pour Hillary Clinton (alors que sur le papier, Clinton avait 3 millions d'Américains de plus derrière elle^^).
Moins présent ces dernier temps sur le forum, tu n’as pas pour autant freiné la photo. Alors en attendant d’en savoir plus et pour ceux qui ne connaissent pas, qui es-tu Garfi75 ?
- Je suis un instinctif nomade (géographique comme dans la pratique), je marche au feeling.
J'en parle en dessous.
Il y a un moment, je me souviens du fil que tu avais posté concernant ton départ au Népal suite au séisme. Est ce que c'est ce voyage qui à déclenché quelque-chose dans ta pratique photo?
- J'ai vu un tweet passer à l'époque "Earthquake in Nepal", j'avais à ce moment là une prestation vidéo corpo à terminer, puis j'avais 2 semaines de libre et je réenchainais sur deux corpo. J'me suis dit que dans cette fenêtre d'ouverture c'était une occasion pour faire quelque chose qui me démangeait depuis mon retour de tour du monde 3 ans plutôt : couvrir un sujet humain à dimension internationale. J'en ai parlé à un collègue photographe, débutant aussi comme moi à l'époque. Je devais être tellement persuadé par ce projet que mes arguments l'on convaincu à me suivre. Il a mis son job intérimaire en stand by et nous sommes partis 2 semaines au Népal. Ça a été un des starters de cette pratique du photojournalisme, là-bas je trouvais ma place, j'étais à fond, passionné, investit. On était comme des gosses même. On préparait chaque soir nos sacs photo au pied de nos fins matelas posé à même le sol au deuxième étage d'une maison. Nous logions chez un couple de Népalais qui en plus de nous offrir les repas, nous accompagnaient à tour de rôle sur le terrain pour traduire et faire office de fixeurs (sans les "fixeurs" un photojournaliste n'est pas grand chose sur un terrain étranger). On était donc prêts à déguerpir à la moindre secousse. On en a fait l'expérience en pleine nuit, avec une réplique de près de 5 sur l'échelle de richter, on a saisi nos sacs à la volée, et dévalé les deux étages manquant de glisser dans l'escalier de béton. Ce reportage de 2 semaines a donné en quelque sorte du sens à ma photographie. Il me semble que j'en avais déjà parlé lors d'un précédent portrait.
Depuis quelques années (je crois) tu es passé du coté pro de la photo en intégrant une agence. Tu peux nous raconter comment ça s'est goupillé?
- Au retour du Népal, en mai 2015, j'ai contacté le Studio Hans Lucas (plus ou moins une agence, qui produit et accompagne les nouvelles écritures : photo, vidéo, écrits, photographie plasticienne, illustrations, etc). Je leur ai présenté mes récents travaux : Attentats de Charlie, Séisme au Népal, Débordements PSG au Trocadéro et petits sujets périphériques. Mais mon œil n'était pas assez mature selon le directeur de l'agence me conseillant de travailler d'avantage et de revenir vers lui plus tard dans l'année avec de nouvelles séries.
L'été je bossais les mariages donc je n'ai pas pu vraiment produire de contenu typé journalistique, puis il y a eu en novembre les malheureux attentats du Bataclan. Ce soir là, nous sortions joyeux avec des amis dans un bar situé à quelques minutes des différents sites touchés. Sur le chemin du bar, un pote m'appelle "Tu as vu ce qui se passe ? Ils parlent d'une dizaine de morts au Bataclan, une fusillade". Je n'y croyais pas, puis en arrivant au bar, devant l'immense baie vitrée, tous les visages blafards des clients observaient l'écran nous faisant face. Une image indélébile. Je savais mais je ne voyais pas, donc je n'y croyais encore pas. Puis une fois rentré, les images de BFMTV à l'écran, ça a été un électrochoc. J'en ai oublié la soirée, mes potes, je suis sorti, mon taux d'alcoolémie semblait avoir chuté d'un coup, j'ai foncé sur l'avenue la plus proche, aucun Uber de dispo, aucun taxi de libre. Je crois avoir attendu 30 min ou peut-être même 1 heure avant d'en trouver un. J'étais fou de perdre autant de temps, de ne pas avoir l'appareil avec moi, j'étais tremblant. Entre l'irrationalité de la situation, le nombre de morts et les sites touchés qui croissaient, et moi qui me sentait impuissant.
- "On va a Boulogne!" lançais-je au Taxi.
Une fois arrivé.
- "Attendez-moi, je récupère un sac" je récupérais mes boîtiers en vitesse à l'appartement, le cœur battant à tout rompre.
- "Emmenez-moi au Bataclan"
Le Taxi : "Non Monsieur, je ne veux pas aller là-bas"
- "Ok déposez-moi à Bastille alors"
Arrivé à Bastille, Paris en état siège, les sirènes retentissantes, sans carte de presse, je me faufilait entre les barrages militaires et les premiers périmètres de sécurité, retrouvant mon pote Benjamin, avec qui j'étais parti au Népal.
Ce soir là, j'ai juste suivi ce qui m'animait à l'intérieur. Faisant abstraction de tout, instinctivement je n'aurais pas pu rester passif. Je devais être là, non seulement pour témoigner, mais pour être là, je me sentais concerné.
Et je suis rentré chez Hans Lucas après avoir couvert les attentats..
Le fait d'être photojournaliste t'oblige à "vendre" tes clichés à différents organismes de presse. Comment se passe ton "démarchage" (si on peut appeler ça comme ça) ?
- En général pour de la news, on poste nos images sur un serveur où les iconographes viennent faire leurs courses.
Pour des sujets plus complexes, écrits ou lorsqu'on pense avoir une image vraiment forte et que personne d'autre n'était sur place pour saisir le moment, là il arrive qu'on contacte en direct les rédactions (et là il faut bien choisir à qui l'on s'adresse, et attendre le retour du premier Titre avant d'envoyer à d'autres, car ça peut se vendre en Exclu à deux fois le tarif de base).
Ça n'est pas trop ma pratique car je bosse essentiellement avec la presse Magazine, donc à retardement.
Et il y a aussi les commandes des rédactions. Ça c'est le must ! Çà paie moins qu'une vente directe d'image, mais ça rassure et assure une publication. Car dans le fond, nos images ont les fait pour qu'elles soient vues, qu'elles racontent quelque chose, qu'elles illustrent des propos, qu'elles supportent des sujets voir des causes. Le sens il est là !
Je te suis pas mal sur Facebook, et depuis quelques temps, j'ai l'impression que pas mal de portes s'ouvrent, notamment pendant les élections américaines que tu as couvert et la prise en main du compte Instagram de Polka magazine, rien que ça! Comment en es tu arrivé là?
- Polka j'ai eu la chance que la rédaction me propose de couvrir l'Euro à Paris lors de la dernière semaine de compétition.
Du coup pour les élections, étant sur place, avec le culot je leur ai proposé de reprendre le temps d'une journée les commandes de leur compte Instagram (comme ils ont l'habitude de le proposer aux photographes).
Mais ces derniers temps j'ai beaucoup ralenti la presse, car elle est terriblement chronophage et j'avais besoin de me donner plus de temps aussi pour d'autres projets notamment dans la réalisation. Cette année, je me penche davantage sur la vidéo (que j'ai toujours pratiquée en parallèle de la photo) et je souhaite m'associer avec deux autres potes réalisateurs pour proposer un sujet à une TV.
Pour continuer dans l'actualité, je me souviens également d'une vidéo qui avait pas mal tournée et prise depuis ton casque, d'un CRS un peu énervé.. Peux nous décrire un peu les circonstances? casse matériel?
phpBB [media]
- C'était lors des manifestations Loi Travail. Un policier en civil venait quelques mètres plus haut de recevoir un parpaing en pleine tête. Étendu au sol, inconscient, plaie ouverte (fracture du crâne et hémorragie interne, le gars s'en est sorti finalement après un épisode de coma, c'est ce qui avait été dit à l'époque) les forces de l'ordre étaient ultra tendues. Ça gazait de partout, je me suis collé à une vitrine pour respirer un moment, puis à ma droite il y a ce gars capuché qui met du sérum physio à une nana. Et là les flics lui assènent des coups de matraque dans le dos tranquillement.
J'essaie alors de prendre 2/3 photos au 35mm mais je suis trop près. Ma Gopro sur le casque tourne (par chance). Là un des CRS me lance "prends pas de photo, prends pas de photo !" et tente de m'arracher le boitier. Le pare-soleil a sauté et j'ai eu la bague de map du Loxia voilée pendant un temps puis à force de la tourner, de la bidouiller avec délicatesse
