Cette question, fréquemment posée, fait en général l'objet de nombreux débats, mais les réponses sont souvent approximatives. Il en résulte en général une très grande confusion au niveau des concepts, et une très indigeste salade de PPI, DPI et autres LPI...
En fait, il y a deux grands facteurs qui entrent en ligne de compte:
1. La résolution souhaitable pour un tirage d'un format donné dépend (principalement) de la distance à laquelle on souhaite regarder ce tirage. Ceci est du au pouvoir de séparation limité de l'oeil.
2. La résolution souhaitable doit également tenir compte de ce que l'imprimante est capable de faire; si la résolution de votre photo est grossièrement (ou même légèrement) différente de la résolution native de l'imprimante, vous risquez de voir apparaître des effets de moiré, de bandes, etc., qui sont dus à des interférences. Ou bien vous risquez de forcer l'imprimante à effectuer un rééchantillonnage de la photo, ce qui n'est pas forcément souhaitable.
Dans un premier temps, nous nous intéresserons au point 1 ci-dessus: étant donné un format de tirage, quelle résolution dois-je prévoir, sachant que la photo sera regardée d'une distance D ?
Cette question est en effet la plus facile à résoudre, même s'il faut pour cela faire appel à quelques notions (simples) de trigonométrie.
Ensuite, nous nous pencherons sur l'aspect imprimante, et les conséquences sur le tirage que la technologie d'impression entraîne. C'est ici qu'en général on a tendance à tout mélanger.
A. Résolution et distance
1. Distance et pouvoir de séparation de l'oeil
Ceci ne devrait surprendre personne: plus on s'éloigne d'un objet, plus les détails s'estompent.
Afin de systématiser cette notion, considérons une feuille de papier blanc sur laquelle on a tracé des lignes verticales noires parallèles espacées régulièrement (peu importe l'entre-distance, du moment qu'elle soit constante). A mesure que vous vous écartez de cette feuille, vous aurez de plus en plus de mal à distinguer les lignes entre elles, et il viendra un moment où toute la feuille vous paraîtra uniformément grise.
L'angle (en minutes d'arc) soutendu sur l'oeil par la distance entre deux lignes sur la feuille lorsque ces lignes sont encore tout juste séparables, s'appelle précisément le pouvoir de séparation de l'oeil, et l'inverse de cette grandeur est appelée acuité visuelle.
Donc, une acuité visuelle de 1 correspond à un pouvoir séparateur de 1 minute d'arc, une acuité visuelle de 2 correspond à un pouvoir séparateur de 30 secondes d'arc; et ainsi de suite.
L'acuité visuelle dépend fortement de l'illumination de la scène, mais votre ophtalmologue vous confirmera qu'elle est au mieux égale à 2 dans les meilleures conditions d'éclairage, et en général légèrement supérieure à 1 (pour un individu doté d'une vue normale).
Mathématiquement, la relation entre angle, distance et pouvoir séparateur est donné par la relation:
c = 2D tg(A/2)
où c est la longueur de la corde de l'arc (soit aussi la distance entre deux lignes parallèles),
et D est la distance d'observation et A est l'angle correspondant à l'acuité visuelle.
Les fonctions trigonométriques étant définies pour des angles exprimés en radian, il y a une petite conversion à faire entre les minutes d'arc et les radians: 30" d'arc = 0.000145444 rad et 1' d'arc = 0.000290888 rad.
2. Résolution (ou densité) de la photo (ppi)
Prenons par exemple le cas d'un tirage 10 x 15 cm que vous voulez contempler d'une distance de 40 cm environ.
En admettant des conditions normales d'éclarage et donc un angle soutendu de 1' d'arc ou 0.000290888 rad, la plus petite distance séparant deux détails que votre oeil est capable de percevoir vaut (par la formule ci-dessus)
c = 2 x 40 x tg(0.000145444) = 0.01163 cm
et l'inverse de cette grandeur correspond alors à la résolution en "détails par cm" ou "pixels par cm", soit environ 86 pixels/cm, soit encore environ 218 pixels/inch (1 inch = 2.54 cm).
Un plus grand tirage destiné à être contemplé de plus loin, disons 80 cm, nécessiterait une résolution minimale de l'ordre de 115 ppi.
Notons ici une petite difficulté de vocabulaire.
Au sens strict, ce qu'on appelle "résolution" correspond en réalité à une "densité". Ainsi, 120 ppi correspond à une densité de 120 pixels par inch. Ceci correspond à une résolution de 60 paires de lignes par inch ou lp/in (line pairs per inch). Pour être tout à fait rigoureux, une résolution devrait toujours être donnée en paires de lignes par unité de longeur et non en pixels par unités de longueur, mais en pratique on assimile souvent les deux notions; le contexte permet en général de lever l'ambiguité.
On peut aisément généraliser la relation ci-dessus; la densité théorique minimale pour une distance d'observation D donnée vaut:
1/ppi = 2d tg(0.000290888/2)
1/ppi = d x 0.000290888
ppi = 3437.74/d
où d est exprimé en inches.
Si vous préférez introduire la distance en cm tout en conservant les ppi comme unités de densité, il faut utiliser la formule un peu hybride:
PPI = 8731.86/d
Ca, c'est pour les conditions normales d'éclairage; pour les conditions idéales, il faut doubler cette valeur puisque la photo, beaucoup mieux éclairée, révèlera beaucoup plus de détails.
3. Taille du capteur
Supposons que le capteur de notre APN soit capable d'enregistrer 16 millions de couleurs; quelle doit être sa taille pour produire un tirage 10 x 15 cm à la densité de 218 ppi?
La réponse est évidente: il suffit de multiplier les dimensions souhaitées par la densité souhaitée - en prenant soin de ne pas mélanger les unités! On obtient (10/2.54 x 218) x (15/2.54 x 218) = 1.1 MPixels.
Malheureusement, le capteur n'est pas en mesure d'enregistrer directement 16 millions de couleurs et en pratique, le résultat ci-dessus doit être au moins doublé.
En général, on peut établir la formule suivante:
Taille (MP) = (Correction filtre Bayer) x (largeur tirage x PPI x hauteur tirage x PPI) / 1000000
Tous calculs faits, en tenant compte d'une correction de Bayer égale à 2, et en utilisant les formules ci-dessus on obtient
MP = (Surface tirage x 23.6362 / d^2)
où toutes les longeurs sont exprimées en inches.
Pour un tirage de 115 x 75 cm (45.3 x 29.5 inches) destiné à être contemplé d'une distance de 2 m (78.7 inches), on obtient donc environ 5 MPixels! Surprenant, non?
Pour des conditions idéales d'éclairage, il faut une fois de plus doubler la valeur obtenue, soit 10 MP.
On en conclut qu'avec 12 MP on a en principe largement de quoi faire un tirage A0 - tant qu'on ne met pas le nez dessus!
B. Résolution et imprimante
Dès qu'on introduit l'imprimante dans la réflexion, les choses se compliquent un peu.
Resituons pour commencer quelques notions indispensables (et très souvent confondues):
a) PPI (pixels per inch): c'est la densité (ou résolution) de l'image. Je vous rappelle qu'un pixel est le plus petit élement constitutif de l'image, et qu'il représente une teinte et une luminosité.
b) LPI (lines per inch): c'est la densité (résolution) verticale utilisée pour les imprimantes. Chaque ligne imprimée est constituée d'une série de cellules ou matrices à l'intérieur desquelles une imprimante imprime un certain nombre de points discrets (jet d'encre) ou un mélange précisément dosé de différentes teintes (technologie continue).
c) DPI (dots per inch): c'est la densité des points ramenée à l'unité de longueur. Nous verrons plus loin la relation entre la mesure en DPI et la mesure en LPI.
d) RIP (raster image processor): le logiciel qui convertit l'image à imprimer en un tabeau de bits (bitmap) décrivant le placement et la taille des points sur le media de sortie (en l'occurrence le papier). Chaque pilote d'imprimante possède une fonction RIP, dont le fonctionnement est en général peu documenté. En effet, la qualité d'une imprimante dépend largement de la sophistication du RIP, et les fabricants protègent donc cette fonction. Il existe également des logiciels RIP spécialisés, mais leur prix les réserve en général à un usage professionnel ou semi-professionnel.
Dans le cadre du tirage photographique directement utile pour l'amateur on trouve essentiellement deux grandes technologies d'impression:
a) les imprimantes type "Lightjet". Ces imprimantes sont utilisées par les laboratoires grand-public tels que ceux accessibles sur Internet. Cette technologie consiste à exposer un papier photosensible à partir de l'image numérique, et à rebasculer en technologie argentique pour le reste du traitement.
Pour les laboratoires grand-public, la densité (résolution) est typiquement de 300 ppi (ou lpi).
b) les imprimantes type "Inkjet" (jet d'encre). Ce sont les imprimantes "photo" classiques que l'on trouve dans le commerce.
Contrairement aux imprimantes type lightjet, les imprimantes à jet d'encre sont incapables d'imprimer des teintes de manière continue. Pour simuler la teinte et la luminosité d'un pixel, elles impriment un nombre variable de points disposés dans une matrice selon un algorithme précis. Par exemple, une certaine teinte de rose sera obtenue par le placement judicieux de points rouges et blancs. Il existe divers procédés techniques pour effectuer le placement des points, mais le principe reste toujours le même.
Comme je viens de le dire, une ligne d'impression correspond à une série de cellules ou matrices à l'intérieur desquelles l'imprimante place les points (dots).
Le nombre de cellules par unité de longueur (LPI ou lines per inch) détermine donc la résolution ou densité de l'imprimante, tandis que le nombre de points à l'intérieur de chaque cellule détermine le nombre de niveaux de teinte que l'imprimante est capable de reproduire.
Avec une seule cartouche d'encre (noire), une matrice 1 X 1 ne peut reproduire que deux teintes: le noir et le blanc. Toujours avec une seule cartouche d'encre noire, mais avec des matrices 4 X 4, l'imprimante est en mesure de reproduire 17 niveaux de gris. Avec des matrices 8 X 8, elle atteint 65 niveaux de gris.
En couleur, c'est le même principe.
On voit donc que ce qui correspond au pixel dans l'image numérique, c'est la matrice de points de l'image papier.
Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que pour une densité en DPI donnée, il y a une relation inverse entre
- d'une part le nombre de niveaux reproductibles, et
- d'autre part la résolution en LPI.
Pour fixer les idées, supposons que vous soyiez un fabricant dont les d'imprimantes sont capables de travailler à 600 DPI; plus vous êtes exigeant en termes de niveaux de tonalité, plus la taille des matrices augmente et plus vous devrez sacrifier la résolution en LPI de votre produit.
Par contre, puisqu'il y a une relation directe entre les pixels de l'image et les matrices de points (qu'on appelle aussi "pels" pour "print elements"), il y a une correspondance parfaite entre le densité en PPI et la densité en LPI.
Idéalement, la densité de l'image devrait correspondre à la densité native en LPI de votre imprimante. Si ce n'est pas le cas, le RIP de l'imprimante va devoir effectuer des calculs d'interpolation:
- soit éliminer les pixels surabondants, d'où perte d'information
- soit "inventer" des pixels supplémentaires, chose que votre logiciel de traitement (Photoshop ou autre) fait souvent beaucoup mieux.
Il n'y a donc aucune raison valable d'envoyer à l'imprimante une photo dont la résolution est supérieure à la résolution native de l'imprimante. Par contre, il peut y avoir de très bonnes raisons pour lui envoyer des photos de résolution moindre; c'est notamment le cas lorsque le tirage est destiné à être contemplé de loin (voir partie A ci-dessus).
Afin d'éviter les phénomènes d'interférences, ll faut cependant s'asssurer que la résolution de l'image soit toujours une fraction paire de la résolution native de l'imprimante.
Par exemple, si la résolution native de l'imprimante est 360 LPI, et que le contexte demande une résolution d'image de 200 ppi, il faudra plutôt choisir une résolution d'image de 180 ppi.
Fort bien.
Le problème, c'est que la plupart des fabricants d'imprimantes vous donnent des valeurs (impressionnantes) en DPI, mais très peu d'entre eux vous donnent la résolution native de la bête en LPI!
Si vous avez suivi jusqu'ici, vous savez que le nombre de points par matrice détermine l'étendue tonale, mais que c'est la taille des matrices (et donc la densité en LPI) qui détermine la résolution.
Il se trouve que la résolution native d'une imprimante est malaisée à mesurer. C'est possible, mais compliqué.
Je ne peux que vous fournir les valeurs qui circulent, et qui sont communément acceptées:
Epson: en général 720 lpi
HP et Canon: en général 600 lpi.
C. Conclusion
Il n'y aucune raison d'envoyer à l'imprimante des clichés dont la résolution dépasse la résolution native de l'imprimante. Toute autre valeur force le RIP de l'imprimante à effectuer une interpolation, et ce n'est pas ce que l'imprimante fait le mieux (sauf logiciel RIP professionnel). Vous avez en général intérêt à effectuer cette opération vous-même dans votre logiciel de traitement.
Pour une Epson, vous vous limiterez donc à 720 ppi (ou 360 ppi)
Pour HP ou canon: 600 pp (ou 300 ppi).
Si vous désirez effectuer de grands tirages, il faut faire intervenir la distance à laquelle le tirage sera vu.
La formule à utiliser est:
ppi = 3437.74/d
où d est exprimé en inches.
Veillez cependant à arrondir à un multiple pair de la résolution native de l'imprimante.
Si vous faites faire vos tirages par un labo grand-public, souvenez-vous que la technologie utilisée est en général différente des imprimantes à jet d'encre; suivez alors les recommendations du labo. A défaut, sachez que la plupart de ces imprimantes fonctionnent à 300 lpi; 300 ppi devrait donc être la densité de vos photos.
Exemple final:
Je voudrais faire un tirage A3+ d'une photo destinée à être exposée dans une salle d'exposition idéalement éclairée; la distance à laquelle les visiteurs contempleront mon cliché est de 1m. Quelle résolution dois-je prévoir pour imprimer mon cliché sur une HP Photosmart 8750 (technologie jet d'encre)?
La distance d vaut 100 cm / 2.54 inch/cm = 39.37 inches
La densité pour conditions standards vaut 3437.74/39.37 = 87 ppi.
Pour les conditions d'éclairage mentionnées, il faut doubler cette valeur: 176 ppi
L'imprimante HP "travaille" à 600 lpi; je peux donc utiliser les résolutions suivantes: 600 ppi, 300 ppi, 150 ppi.
C'est donc la valeur de 150 ppi qui semble la plus appropriée. Ou alors, je ne prends aucun risque, et je reste à 300 ppi, la résolution "classique" d'impression (au prix d'un temps d'impression plus long et d'une consommation d'encre accrue).